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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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fût-ce l ’ action la plus insignifiante, sera bien fait, et le moindre de ses actes contiendra autant de sagesse que sa conduite tout entière  ; il ne connaîtra ni regret, ni chagrin, ni crainte, ni aucun trouble de ce genre  ; il aura le bonheur parfait  ; seul il possédera la liberté, la vraie richesse, la vraie royauté, la vraie beauté  ; seul, il connaîtra les dieux et sera le prêtre véritable  ; utile à lui-même, aux autres, il saura seul gouverner une maison ou une cité et avoir des amis. On connaît tous ces paradoxes dont on pourrait allonger encore la liste, qui accumulent toutes les perfections sur la personne du sage  [467] . Pour en comprendre le sens, il faut ajouter p.330 que qui n ’ est pas sage est imparfait, et que, au regard de la sagesse, toutes les imperfections sont égales  ; tous les non sages sont également des fous, des insensés, plongés dans un malheur complet, de vrais exilés sans famille ni cité. Qu ’ ils soient plus ou moins près de la sagesse, ils n ’ en sont pas moins insensés, puisque la rectitude du sage n ’ admet ni nuances ni degrés  ; ainsi le noyé n ’ est pas moins étouffé, qu ’ il soit au fond de l ’ eau ou presque à la surface, comme l ’ archer ne manque pas moins son but, que la flèche en arrive près ou loin.
    Il est naturel et conforme à ce que nous avons appris du stoïcisme d ’ admettre que la sagesse ne puisse être donnée qu ’ en bloc  ; elle n ’ est, pas plus que la philosophie tout entière, susceptible de progrès. Ce que les stoïciens anciens ont voulu, ce n ’ est pas précisément le progrès moral, c ’ est, comme le dit Clément d ’ Alexandrie, une sorte de transmutation intime qui change l ’ homme tout entier en raison pure  [468] , le citoyen d ’ une cité en citoyen du monde, transmutation analogue dans l ’ ordre de l ’ esprit à la transformation politique qu ’ Alexandre faisait subir aux peuples.
    « Zénon, dit Plutarque  [469] , a écrit une République très admirée, dont le principe est que les hommes ne doivent pas se séparer en cités et en peuples ayant chacun leurs lois particulières  ; car tous les hommes sont des concitoyens, puisqu ’ il y a pour eux une seule vie et un seul ordre de choses (cosmos) comme pour un troupeau uni sous la règle d ’ une loi commune. Ce que Zénon a écrit comme en rêve, Alexandre l ’ a réalisé  ; ... il a réuni comme en un cratère tous les peuples du monde entier  ; ... il a ordonné que tous considèrent la terre comme leur patrie, son armée comme leur acropole, les gens de bien comme des parents et les méchants comme des étrangers.  »O n ne peut mieux dire que la morale stoïcienne est celle des temps nouveaux, où, sur les cités disloquées et désormais incapables d ’ être une p.331 source de vie morale et un soutien, s ’ élèvent de grandes monarchies qui aspirent à gouverner l ’ humanité.
    La raison, loi universelle ou nature, se fait en quelque sorte monarchique  : chez Aristote, elle partit des réalités psychologiques ou sociales de fait, passions, coutumes, lois, qu ’ elle essayait simplement, comme d ’ en haut, de tempérer et d ’ organiser  : ici, elle prend toute la place, et elle expulse tout ce qui n ’ est pas elle-même  ; « la vertu est placée dans la seule raison  [470] » .
     
     
    Bibliographie
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CHAPITRE III
    L ’É PICURISME AU IIIe SIÈCLE
     
    I. — ÉPICURE ET SES ÉLÈVES
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    p.333 Après le système massif des stoïciens, c ’ est une détente de se reposer au jardin où Épicure philosophe dans le privé avec ses amis, pendant que Zénon attirait au portique Pœcile la foule du public. Entre ces deux esprits, rien de commun que les traits les plus généraux de l ’ époque  : un même détachement de la cité mais qui, chez Épicure, n ’ a pas comme chez Zénon la contre-partie de l ’ attachement aux empires naissants et au cosmopolitisme, et qui reste en somme au niveau de l ’ ancienne critique sophistique  ; une théorie sensualiste de la connaissance, mais qui n ’ est pas surmontée, comme chez Zénon, de toute une dialectique rationnelle  ; l ’ affirmation d ’ une liaison étroite entre la physique et la morale, mais conçue d ’ une manière tout autre, puisque la physique épicurienne est précisément faite pour empêcher de révérer ce qui inspirait à Zénon un religieux respect  ; un grand désir de propagande morale, mais

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