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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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qui se fixent et deviennent indéracinables  [460] .
    Sans nier l ’ existence de la déraison, les Stoïciens ont insisté pourtant sur l ’ importance du jugement pour faire voir combien la passion dépendait de nous  ; Chrysippe en particulier a mis en lumière le rôle de jugements de convenance, tels que le préjugé qui nous fait croire qu ’ il est bon et juste de nous livrer au chagrin à la mort d ’ un parent. C ’ est non pas par une résistance de front à la passion déchaînée, mais par une méditation préventive sur de tels jugements, par des maximes raisonnées, que les stoïciens espèrent nous soustraire aux passions.
    L ’ on a vu comment la raison humaine dégage des inclinations spontanées le bien et la vertu. C ’ est par la même élaboration rationnelle que l ’ homme découvre la fin en vue de laquelle sont faites toutes les actions qu ’ il convient de faire. La base de la p.326 vie morale, c ’ est l ’ espèce de choix spontané que nos inclinations nous font faire des choses utiles à notre conservation  ; la fin, c ’ est de vivre en choisissant d ’ un choix réfléchi et volontaire les choses conformes à la nature universelle  [461] . C ’ est sans doute ce qu ’ a voulu dire Zénon, en définissant la fin  : vivre d ’ accord, ou vivre avec conséquence (ο̉μολογουμένως)  [462] ; vivre ainsi, c ’ est vivre selon la raison, qui ne trouve devant elle aucune opposition. C ’ est sûrement ce qu ’ ont voulu dire Cléanthe et Chrysippe, en proposant, comme fin, de vivre conformément à la nature (ο̉μολογουμένως τη̃ φύσει), c ’ est-à-dire, commente Chrysippe, en employant la connaissance scientifique des choses qui arrivent par nature. Cette connaissance scientifique, c ’ est celle que nous donne la physique  : tout arrive par la raison universelle, la volonté de Dieu ou le destin. Dès lors la fin consistera uniquement dans une attitude intérieure de la volonté  : tout être obéit nécessairement au destin  ; mais la raison égarée essaye d ’ y résister et d ’ opposer au bien universel le fantôme d ’ un bien propre, santé, richesse, honneur  ; le sage au contraire accepte avec réflexion les événements qui résultent du destin  ; là où le méchant est entraîné par force, il se dirige volontairement  ; s ’ il sait que le destin le veut mutilé ou pauvre, il accepte cette mutilation ou cette pauvreté. «  Non pareo Deo sed assentior    » , dit Sénèque ( Lettre 97)  ; je n ’ obéis pas à Dieu, j ’ adhère à ce qu ’ il a décidé. La résignation stoïcienne n ’ est pas un pis aller  ; c ’ est une complaisance positive et joyeuse dans le monde tel qu ’ il est  ; «  il faut mettre sa volonté d ’ accord avec les événements, de manière que ceux qui surviennent soient à notre gré  [463] .  » Suivre la nature, suivre la raison, suivre Dieu, ce triple idéal que nous verrons se dissocier plus tard ne fait qu ’ un pour les Stoïciens.
    Il s ’ agit d ’ expliquer aussi comment cette disposition ne reste p.327 pas intérieure, mais au contraire invite à l ’ action. Il y a là un point des plus importants, et nous atteignons l ’ essence même du stoïcisme  ; la morale stoïcienne invite à l ’ action  ; ses fondateurs engageaient par-dessus tout leurs élèves à accomplir leurs fonctions de citoyen  [464] ; beaucoup plus tard, Épictète considérait son enseignement comme une préparation véritable aux carrières publiques, et il blâmait les jeunes gens qui voulaient rester trop longtemps à l ’ ombre de l ’ école  : la vie normale de l ’ homme, c ’ est la vie de l ’ époux, du citoyen, du magistrat. Nul divorce chez eux entre la vie contemplative et la vie pratique, comme celui qui menaçait de s ’ établir et qui s ’ est établi effectivement, on le verra, comme conséquence des doctrines d ’ Aristote et de Platon  ; la connaissance de la nature est préparation à l ’ action.
    Mais il faut bien voir en quel sens  : au premier abord, il semble y avoir dans la morale stoïcienne une insurmontable difficulté qui la force à aboutir au quiétisme de l ’ homme parfait, qui, bon gré mal gré, assiste, impassible, à tous les événements. Tous les Stoïciens sont d ’ accord pour reconnaître que tout est indifférent, hors cette disposition intérieure qu ’ est la sagesse, et qu ’ il n ’ y a ni bien ni mal pour nous

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