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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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’ ardeur du lion et la timidité du cerf. Il faut bien une quatrième substance pour expliquer le phénomène non moins évident de la pensée.
    Il semble que c ’ est une considération du même genre qui a conduit Lucrèce (ou son modèle) à admettre encore une autre distinction, celle de l ’ esprit ( animas ) et de l ’ âme ( anima ) . L ’ homme a des pensées, des raisonnements, des volontés, des joies et des haines tout à fait à part du corps  ; on ne peut donc attribuer ces phénomènes à une substance répandue à travers tout le corps. Il faut les rapporter à un esprit ( animus ) qu ’ on localisera dans le cœur, puisqu ’ on y sent les mouvements de la peur ou de la joie, et que l ’ on distinguera de l ’ âme ( anima ) , disséminée dans toutes les parties du corps.
    Entre cette nouvelle distinction et celle des quatre substances, le rapport n ’ est pas clair, et Lucrèce ne l ’ indique nulle part  ; il faut en tout cas se garder d ’ identifier, comme on le fait quelquefois, l ’ esprit ( animus ) à la quatrième substance, p.353 l ’ innommée, ce qui donnerait à l ’ animus à peu près le rôle que possède la partie principale dans l ’ âme selon les stoïciens  ; ce serait accorder à l ’ âme une sorte d ’ unité par hiérarchie, qui est tout ce qu ’ il y a de plus contraire à l ’ intention d ’ Épicure. De plus, ce serait contraire à la fonction principale de la substance sans nom qui est de «  répandre dans les membres les mouvements sensitifs ( III, 245 )  » . Mélangés parmi les veines et la chair, et retenus ainsi par l ’ ensemble du corps, les atomes de la quatrième substance produisent cette sorte d ’ ébranlement local que Lucrèce appelle motus sensifer, grâce auquel la partie de l ’ organisme ébranlée sera sensible aux excitants  : car c ’ est un dogme important des Épicuriens que la sensation se produit au lieu même où l ’ excitant est senti, et ils n ’ admettent pas, comme les Stoïciens, que l ’ excitation doit d ’ abord être transmise à la partie hégémonique.
    Toute la théorie vise, on le voit, à éparpiller en quelque sorte la substance et les facultés de l ’ âme, en ne leur créant d ’ autre lien durable que leur présence dans le corps et en rendant ainsi nécessaire cette dissolution de l ’ âme après la mort, que Lucrèce démontre par des arguments si variés.
    Le problème du mode d ’ action des sensibles sur la sensation est lié traditionnellement au problème de l ’ âme. Épicure lui donne une place de premier plan dans la Lettre à Hérodote ( X, 46-5 ), puisque c ’ est le premier problème qu ’ il aborde après les théorèmes généraux de la physique, et Lucrèce lui consacre le quatrième livre entier. Le secret de cet intérêt est comme toujours un intérêt pratique  ; il s ’ agit d ’ enlever toute signification redoutable aux visions du rêve dont les hommes font des présages envoyés par les dieux ou bien où ils voient les spectres terrifiants des trépassés. A ces terreurs, Épicure oppose la théorie rationnelle de la vision  : de la surface des objets se détachent sans cesse des simulacres (εί̉δωλα), sortes de pellicules très fines, animées d ’ un mouvement rapide, assez subtiles pour trouver passage à travers l ’ air en gardant la forme p.354 des objets d ’ où elles émanent constamment  ; ce sont ces simulacres qui, rencontrant l ’œ il, produisent la vision. Mais les images du rêve ou de l ’ imagination ne sont pas d ’ une autre nature  ; ce sont aussi des simulacres émanant des objets , ils sont seulement encore plus subtils et plus fins que ceux de la vision, et, traversant les organes des sens, ils arrivent directement à l ’ esprit  ; l ’ imagination ne fonctionne donc pas autrement que la vue  ; en apparence, il en est autrement, et, puisque nous sommes maîtres de nous représenter une image à volonté, il semblerait que nous produisons les images  ; en réalité, si l ’ image que nous voulons nous apparaît, c ’ est que l ’ esprit est sans cesse assailli de milliers de simulacres dont seuls l ’ impressionnent ceux sur qui il dirige son attention. Il faut ajouter que ces simulacres, en se déplaçant, se déforment, qu ’ ils s ’ usent, perdent des parties ou encore fusionnent entre eux  ; c ’ est pourquoi le simulacre d ’ une tour carrée nous la fait voir ronde  ; c ’ est pourquoi aussi

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