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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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nous voyons en rêve des monstres si étranges  ; explication naturelle et rassurante des objets qui nous font frémir. Cette théorie de la vision, comme celle de l ’ ouïe et de l ’ odorat, est une théorie de l ’ émission qui contraste fort avec celle des Stoïciens  ; partout où les Stoïciens parlent de souffles tendus entre l ’ objet et l ’ organe des sens, de transmission de forces à travers un milieu, Épicure ne parle que de mouvement et de choc.
    Épicure n ’ a jamais nié l ’ existence des dieux  ; ce serait nier l ’ évidence  : nous voyons en rêve et même pendant la veille les simulacres des dieux  ; c ’ est une expérience prolongée et universelle qui suffit à prouver leur existence. De ces dieux, nous avons une prénotion  ; nous savons qu ’ il s ’ agit d ’ êtres parfaitement heureux et vivant dans une paix inaltérable. Mais à ces prénotions nous ajoutons des opinions  ; nous croyons qu ’ ils s ’ occupent des affaires des hommes, qu ’ ils manifestent leur volonté par des présages, et notre vie se remplit de superstitions  : nous leur immolons des victimes et parfois des p.355 victimes humaines pour leur demander secours ou les apaiser. Or ces croyances sont fausses, puisqu ’ elles contredisent notre prénotion  ; un être parfaitement heureux et calme ne peut avoir tous les soucis et les sentiments que nous leur attribuons. La physique tout entière démontre que ni le monde ni aucune de ses parties ni même l ’ histoire de l ’ humanité ne nous amènent à Dieu comme à sa cause  ; et Lucrèce, avec sa vision pessimiste des choses, ajoute qu ’ il serait impie d ’ attribuer à la volonté de ces êtres parfaits un monde si plein d ’ imperfections et de misères. Il faut donc refuser aux Dieux comme à l ’ âme tout rôle cosmologique et physique  : faits d ’ une matière pure, vivant à l ’ abri des chocs dans les intervalles des mondes, incorruptibles parce que préservés des causes de destruction, ils mènent une vie parfaitement calme et heureuse, dont la contemplation et la méditation sont la seule piété qui convient au sage — sorte de paganisme épuré qui n ’ est sans doute pas sans rapport avec le culte des héros.
     
    IV. — LA MORALE ÉPICURIENNE
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    Nous n ’ avons d ’ autre source importante sur la morale d ’ Épicure que la courte Lettre à Ménécée ; on peut la compléter par l ’ exposé du premier livre du traité Des Fins de Cicéron qui l ’ emprunte à des leçons ou à des traités des Épicuriens de son temps, Zénon ou Philodème.
    La Lettre est moins un exposé systématique que l ’ ensemble des thèmes que «  doit méditer nuit et jour l ’ épicurien pour vivre en dieu parmi les hommes  » .
    Il y a dans cette morale, comme deux motifs de pensée dont il n ’ est pas aisé de voir l ’ accord  : d ’ une part, la fin est le plaisir, puisque les animaux comme les hommes recherchent naturellement le plaisir et fuient la douleur, dès la naissance et sans l ’ avoir appris  : il y a là une sorte d ’ évidence qu ’ il p.356 suffit de faire remarquer et qui se passe de démonstration  : D ’ autre part le sage est celui qui atteint l ’ absence de trouble (ataraxie), le calme, la paix de l ’ âme, que l ’ on obtient en supprimant l ’ agitation des désirs et des craintes qui assaillent le vulgaire  : sérénité un peu hautaine d ’ un intellectuel qui a rejeté le monde tragique des religions et des mythes, grâce à la claire vision qui vient des Ioniens  : ne craignant plus les dieux, ne craignant plus la mort, et bornant ses désirs, il atteint le bonheur.
    Mais cette ataraxie n ’ est nullement présentée comme une fin (τέλος)  ; la seule fin qu ’ ait jamais admise Épicure est le plaisir  ; l ’ ataraxie n ’ est donc estimable qu ’ autant qu ’ elle se subordonne à cette fin, qu ’ elle est productrice de plaisir.
    La relation entre ces deux motifs de pensée est bien en effet tout le problème de la morale d ’É picure  ; on sait combien elle est difficile à saisir  : de très bonne heure, ses adversaires, de bonne ou de mauvaise foi, prenaient texte du premier de ces motifs pour montrer dans les Épicuriens des hommes livrés à des désirs sans frein, des débauchés menant la vie de Sardanapale  ; et ils scrutaient la vie intime des amis du jardin pour en dénoncer les scandales. D ’ autre part, mieux informé, on ne pouvait que

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