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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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Démocritéen, plus tard maître p.371 d ’ Épicure, et Timon de Phlionte, il excitait l ’ admiration plutôt par son caractère et sa valeur morale que par sa doctrine. Nausiphane conseille d ’ imiter son genre de vie, mais sans adhérer à ses théories  ; Timon, son enthousiaste disciple, le dépeint ainsi dans des vers du Python  [516] ; «  Comment, Pyrrhon, as-tu trouvé le moyen de te dégager de la vanité des opinions des sophistes et de briser les liens de l ’ erreur  ? Ce n ’ est pas toi qui t ’ es soucié de chercher quel air entoure la Grèce, d ’ où viennent les choses et à quoi elles arrivent.  » Il est d ’ ailleurs universellement admiré, puisqu ’ il est nommé grand prêtre par ses concitoyens d ’ Élée et reçoit à Athènes le droit de cité.
    Le seul renseignement précis que nous ayons sur son enseignement est le résumé très clair qu ’ Aristoclès en a conservé d ’ après Timon  [517] . «  Celui qui veut être heureux doit considérer d ’ abord ce que sont les choses  ; en second lieu quelles dispositions nous devons avoir envers elles  ; enfin ce qui résultera de cette disposition. Pyrrhon déclare que les choses sont égales et sans différences. instables et indiscernables, et que par conséquent nos sensations et nos opinions ne sont ni vraies ni fausses. Sur le second point, il dit qu ’ il ne faut avoir nulle croyance, mais rester sans opinions, sans inclinations, et fermes dans ces formules  : nulle chose n ’ est plutôt qu ’ elle n ’ est pas  ; elle est et elle n ’ est pas  ; ni elle n ’ est ni elle n ’ est pas  : Sur le troisième point Timon dit que de cette disposition résulteront d ’ abord le silence (α̉φασία) et ensuite l ’ ataraxie.  »
    L ’ école de Pyrrhon est, comme toutes celles de ce temps, une école de bonheur. Son point de départ n ’ est pas très différent des doctrines que nous venons d ’ analyser  ; la plupart des hommes attribuent leur bonheur ou leur malheur aux choses elles-mêmes, à la pauvreté ou à la richesse  ; or ces choses ne les rendent malheureux que parce qu ’ ils s ’ y confient comme à des choses sûres, parce qu ’ ils ont des croyances. Si l ’ on montre p.372 à l ’ homme qu ’ elles sont fuyantes, instables, passant incessamment l ’ une dans l ’ autre, toute foi, toute croyance disparaîtront et avec elles toute affirmation et toute raison de trouble. L ’ instabilité dont parle Pyrrhon n ’ est rien que celle de la fortune.
    Il n ’ y a pas trace ici d ’ une critique de la connaissance, telle que celle que nous allons trouver chez les Académiciens  ; comment l ’ aurait instituée celui que Timon, dans les Silles nous présente comme aussi hostile à la dialectique qu ’ à la physique  [518] ? Ce n ’ est pas notre connaissance qui est incriminée ; c ’ est la nature même des choses qui exclut la connaissance.
    Mais la suspension de jugement (ε̉ποχη) qui est la garantie du bonheur trouve une très forte résistance chez les hommes eux-mêmes  : Pyrrhon partage le pessimisme si fréquent à son époque  ; il a le sentiment d ’ une folie universelle qui agite les hommes et qui fait ressembler la foule, selon un vers d’Homère qu ’ il admirait, à des feuilles qui tourbillonnent  [519] ; son élève Philon d ’ Athènes, qui nous donne ce renseignement, nous dit aussi qu ’ il comparaît les hommes à des guêpes, à des fourmis ou à des oiseaux, insistant sur tout ce qui fait ressortir leur incertitude, leur vanité et leur enfantillage. Il citait souvent ce passage d ’ Homère  :«  Meurs toi aussi, ami  ; pourquoi te plaindre  ? Patrocle est bien mort qui valait mieux que toi.  » Et son disciple Timon invectivait, dans les Silles , les «  malheureux hommes, objets de honte, semblables à des ventres, toujours disputant et gémissant, outres pleines d ’ une vaine enflure  [520] » . Pyrrhon n ’ est pas du tout un Socrate qui vit dans la cité et qui aime les hommes  ; c ’ est un solitaire qui les méprise.
    Il suit de là que la suspension de jugement et l ’ ataraxie qui la suit comme son ombre ne sont pas obtenues par une simple p.373 vue intellectuelle de l ’ instabilité des choses  ; il y faut un exercice prolongé et une méditation que guident les formules que Timon prête à Pyrrhon, et qui font partie dès maintenant de la tradition sceptique. Le discours est pour lui un pis aller  ;

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