Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
Vom Netzwerk:
«  c ’ est par les actes qu ’ il faut d ’ abord combattre contre les choses  » . Pyrrhon a dû insister avec force sur ce caractère pratique de sa doctrine. Il s ’ agissait pour lui, selon une expression d ’ une énergie rare, de «  dépouiller l ’ homme  », et Timon, qui compare son maître à un Dieu, emploie une expression analogue, le «  dépouillement des opinions  [521] » .
    Si Pyrrhon, dans le principe, ne s ’ écartait pas beaucoup des brillants auteurs de diatribes, l ’ en voilà maintenant bien différent par le sérieux et l ’ austérité de sa manière. On pressent que la contre-partie de sa vision de l ’ instabilité des choses ne devait pas être, comme pour eux, une vague croyance à une incertaine Tyché, mais la certitude d ’ une nature très ferme à laquelle se rattache l ’ assurance du sage  ; et en effet au début de son poème Les Images (’Iνδάλμοι), Timon lui prête ces paroles : «  Je te dirai ce qui m ’ apparaît en prenant comme droite règle cette parole de vérité, qu ’ il existe éternellement une nature du divin et du bien, d ’ où dérive pour l ’ homme la vie la plus égale  [522] .  »
    Un accent religieux de ce genre a quelque chose d ’ énigmatique  ; le dieu que révère Pyrrhon n ’ est point une providence du monde ni même des hommes comme celui des Stoïciens  ; il est seulement comme l ’ être parfaitement stable devant qui s ’ évanouissent les aspects divers et fuyants du réel. Y a-t-il là, comme on l ’ a pensé, l ’ écho d ’ une sagesse lointaine, de cette sagesse hindoue avec laquelle Pyrrhon fut sûrement en contact, puisque, accompagnant Alexandre dans ces voyages, il connut ces ascètes hindous que les Grecs appelaient les gymnosophistes et dut être frappé par l ’ insensibilité et l ’ indifférence dont ils faisaient preuve jusque dans les supplices  ? On sait d ’ ailleurs que, à partir de ce temps, les faits et gestes de ces gymnosophistes ont leur place parmi les contes édifiants, dans tout traité de morale populaire, tel que celui de Philon d ’ Alexandrie Sur la Liberté du Sage .
    Les disciples de Pyrrhon furent nombreux, et l ’ un d ’ eux a résumé ainsi sur son épitaphe le double enseignement tbéorique et pratique qu’il reçut de son maître  : « C ’ est moi Ménéclès le Pyrrhonien qui trouve toujours d ’ égale valeur tout ce qu ’ on dit, et qui ai établi chez les mortels la voie de l ’ ataraxie.  »
     
    IV. — ARISTON
    @
    C ’ est encore un aspect du même humanisme que l ’ on trouve chez Ariston de Chio , un dissident du stoïcisme, qui, d ’ ailleurs, avant Zénon, avait eu pour maître l ’ Académicien Polémon  ; se rattachant expressément au Socrate du Phédon et à celui des Mémorables , il délaisse la physique et il méprise les inutiles toiles d ’ araignée de la dialectique. Son argumentation contre la physique est triple  : elle est incertaine, inutile et impie  ; incertaine comme le prouvent les dissentiments des physiciens par exemple sur la grandeur de l ’ univers et sur l ’ existence du mouvement  ; inutile puisque, même connue, elle ne nous donne aucune vertu  ; impie puisqu ’ elle va jusqu ’ à nier l ’ existence des dieux, ou à les remplacer par des abstractions comme l ’ infini ou l ’ un  [523] : on ne peut imaginer plus grand contraste avec la physique dogmatique des Stoïciens, tout imprégnée de morale et de religion  ; c ’ est pourtant bien la physique stoïcienne qu ’ il a l ’ intention de réfuter , et lorsqu ’ il dit, d ’ après Cicéron  [524] , qu ’ on ne sait quelle forme ont les dieux, ni même s ’ ils ont le sentiment ou sont des êtres p.375 animés, il semble bien qu ’ il vise le feu artiste ou les corps ignés dont les Stoïciens faisaient des dieux.
    Donc Ariston veut se borner aux choses humaines sans même s ’ inquiéter de ce qui viendra après la mort. Comme tous les moralistes que nous venons de citer, il prêche le détachement des choses  ; et le souverain bien est pour lui l ’ absence même de cet attachement, l ’ indifférence (α̉διαφορια)  [525] . Il suit avec une logique rigoureuse les conséquences de ce principe, en faisant ressortir par contraste l ’ inconséquence des Stoïciens.
    Nous ne connaissons bien sa pensée que sur trois points, et sur ces trois points il se pose en critique du stoïcisme  ; c ’ est sa théorie

Weitere Kostenlose Bücher