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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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n ’ appartient qu ’ au sage, et l ’ opinion, assentiment faible appartenant au méchant et dont le sage est tout à fait exempt. Entre la science et l ’ opinion se trouve la compréhension ou perception, assentiment à une représentation compréhensive  ; cette perception, qui est certaine, appartiendrait à la fois au sage ou au méchant. Or d ’ après les Stoïciens eux-mêmes, cette compréhension ou perception est impossible  ; car ou bien elle appartiendra au sage et elle sera science  ; ou bien elle appartiendra au méchant, et alors elle sera opinion, puisque le méchant doit toujours se tromper. D ’ autre part leur définition de la perception est en contradiction avec leur définition de l ’ assentiment  ; car ils définissent la perception, l ’ assentiment à une représentation : or ils disent qu ’ on ne p.382 peut donner son assentiment qu ’ à un discours et à un jugement. Enfin, leur définition de la représentation compréhensive : une représentation vraie telle qu ’ elle ne peut devenir fausse, est en contradiction avec de nombreux faits que les Stoïciens sont les premiers à reconnaître et à exposer en détail, et d ’ où il résulte qu ’ il n ’ y a nulle représentation prétendue vraie à laquelle une représentation reconnue fausse ne soit tellement semblable qu ’ on ne peut les distinguer. C ’ est sur ce dernier point que se donne carrière l ’ argumentation sceptique, qui se transmettra à peu près invariable jusqu ’ à la première Méditation de Descartes  ; nous en connaissons le détail (qui, sans doute, ne remonte pas entièrement à Arcésilas), par Cicéron et saint Augustin  [533] ; les erreurs des sens, les songes, l ’ ivresse, la folie engendrent des représentations fausses indiscernables des vraies, pour celui qui les éprouve  ; même dans l ’ état normal, on est forcé d ’ admettre qu ’ il y a des représentations indiscernables entre elles, comme par exemple celle de deux œufs  ; et c ’ était une plaisanterie habituelle, pour prouver au sage que, lui aussi, il opinait, de l ’ amener à confondre deux frères jumeaux  [534] . Enfin le sorite ou argument du tas est destiné à montrer qu ’ il y a des séries de représentations d ’ un même objet, telles que nous ne puissions indiquer précisément la limite à partir de laquelle une représentation n ’ est plus compréhensive  [535] ; combien de grains faut-il ajouter à un grain de blé pour que ces grains forment un tas  ? Dans cet exemple familier Arcésilas semble avoir voulu montrer la continuité parfaite qu ’ il y a entre la vérité et l ’ erreur.
    Concluons donc que le sage stoïcien est forcé d ’ admettre ou bien qu ’ il aura des opinions, ou bien qu ’ il suspendra son jugement. Comme l ’ on n ’ admet pas la première alternative, comme l ’ erreur, la légèreté, la témérité sont étrangères au sage, il ne reste que la seconde.
    p.383 On sait les conséquences que Pyrrhon tirait de cette abstention  ; c ’ est l ’ inactivité complète, dont Ariston ne pouvait sortir que par l ’ arbitraire. Or cette conséquence forme le fond d ’ une objection que l ’ on fit de bonne heure (comme on le voit par l ’ exemple de Colotès) à Arcésilas  ; la vie pratique devient impossible selon ces principes. Arcésilas, qui n ’ est ni un contemplatif ni un solitaire, répugne à cette conséquence, le bonheur n ’ existe que grâce à la prudence, et la prudence consiste en des actions droites. Sans doute, d ’ après Sextus, la fin est pour lui la suspension de jugement  ; mais rien n ’ indique qu ’ il en fasse la raison positive du bonheur  [536] . Il y a donc un critère ou une règle (κανών) des actions volontaires, bien qu ’ il n ’ y ait pas de critère de la vérité. On sait combien ces deux critères sont inséparables pour le dogmatisme, dont cette liaison constitue l ’ essence même  ; c ’est que, chez cet être raisonnable qu’est l’homme, l ’ inclination et par conséquent l ’ action ne peuvent exister, si l ’ intelligence n ’ y donne pas son assentiment. Arcésilas paraît bien avoir admis au contraire que l ’ homme peut accomplir des actions sans donner son assentiment  ; l ’ action habituelle est une action de ce genre, et l ’ on sait combien les sophistes avaient insisté sur le rôle de la coutume. Mais Arcésilas ne s ’ en tient pas là  ; il cherche un critère

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