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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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de discussion dans la recherche des êtres et de nous faire approcher de la vérité  : critère non seulement pratique mais théorique  [547] . Or, si le vraisemblable est pour lui un critère théorique, il justifie une affirmation concernant la réalité  ; et si, par hypothèse, cette affirmation ne peut être certaine, elle est une opinion  ; il semble donc que user de ce critère, c ’ est adhérer à une opinion incertaine, et, dans ce cas, les adversaires de Clitomaque auraient raison.
    Voyons donc de plus près la nature de ce critère  ; d ’ après l ’ exposé de Sextus  [548] , la réforme de Carnéade consiste essentiellement à chercher le critère non dans le rapport de la représentation à l ’ objet, mais dans le rapport de la représentation au sujet. Sous le premier rapport, notre représentation est effectivement vraie ou fausse, mais nous n ’ en pouvons rien savoir, puisqu ’ un terme du rapport nous manque  ; sous le second rapport, il en est qui nous paraissent vraies et d ’ autres ne nous paraissent pas vraies. Considérant les premières, nous pouvons chercher pourquoi elles ont cette force persuasive  ; or nous nous apercevons que cette force a des degrés et varie selon les circonstances  ; si un objet est petit ou à une grande distance, si notre vue est faible, cette force est petite  ; dans les cas contraires, les représentations paraissent vraies avec assez de force et elles peuvent nous servir de critère. Une expérience prolongée nous montrera que même celles-ci peuvent, en des cas fort rares, être fausses  ; qu ’ il nous suffise qu ’ elles soient vraies en général, car « c ’ est sur la généralité que sont réglés nos jugements et nos actions  » .
    Voilà un langage tout nouveau  ; il ne s ’ agit plus d ’ opposer en bloc la certitude absolue à l ’ incertitude, mais de se tenir dans l ’ entre-deux et de déterminer toutes les nuances que comportent les intermédiaires  : c ’ est le probabilisme de p.389 Carnéade, si distinct des négations tranchées d ’ Arcésilas. Comme Sextus le répète deux fois, le critère de Carnéade «  a une largeur  [549]  », c ’ est-à-dire qu ’i l contient des degrés en plus et en moins. Dès lors le problème de l ’ assentiment se déplace  ; s ’ il s ’ agit, comme le veulent les Stoïciens, d ’ avoir une représentation qui permette de saisir l ’ objet lui-même, le sage suspendra toujours son jugement, et l’on ne peut dire qu ’ il opinera, c ’ est-à-dire qu ’ il croira faussement saisir un objet  ; mais s ’ il s ’ agit non pas d ’ atteindre l ’ objet, mais de comparer les représentations entre elles par leurs caractères internes, on pourra avoir, comme le dit Carnéade exposé par Clitomaque  [550] , un fort penchant à obéir à ces représentations  ; sans pourtant croire saisir directement par elles une réalité.
    On change d ’ opinion et l ’ on arrive d ’ une opinion moins probable à une opinion plus probable non pas en percevant une réalité, qu ’ on ne saisissait pas d ’ abord, mais en se représentant d ’ une façon précise et détaillée ce qu ’ on ne se représentait d ’ abord que d ’ une manière confuse  ; en voyant par exemple qu ’ une corde roulée que l ’ on prenait dans la demi-obscurité pour un serpent, ne bouge pas, qu ’ elle n ’ a pas la couleur d ’ un serpent  ; la représentation ainsi parcourue dans ses détails (διεξωδευμένη) nous donne plus de sécurité. Cette sécurité augmente encore, lorsque cette représentation n ’ est pas entravée (α̉περισπαστος) par une autre représentation  ; ainsi la représentation qu ’ Admète a d ’ Alceste, lorsque Hercule la ramène des enfers, peut être aussi précise qu ’ on voudra  ; Admète n ’ y croit pas parce qu ’ il sait qu ’ Alceste est morte  [551] . En un mot ce que Carnéade substitue à une prétendue perception directe des objets, c ’ est un examen critique des représentations, qui repose sur ce fait, si peu remarqué jusque là, qu ’«  une représentation p.390 n ’ est jamais solitaire, mais que les représentations sont suspendues l ’ une à l ’ autre à la manière des chaînons d ’ une chaîne  » . Une sorte de méthode d ’ analyse et de synthèse est substituée à la prétendue vision directe de l ’ évidence.
    Carnéade ne s ’ attaque pas seulement à la théorie stoïcienne de

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