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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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, loin de nuire à l’idée de l’unité de la philosophie et de l’intelligence, a donc permis de lui donner un sens plus plein et plus concret, bien que plus difficile à traduire en formules ; car elle n’est point l’unité d’un plan qui se réalise peu à peu, mais une série d’efforts originaux et d’inventions multiples.
    En second lieu, l’abandon de l’idée de progrès fatal, qui a dominé l’histoire de la philosophie, jusque vers 1850, n’a pas été moins favorable à une exacte appréciation du développement philosophique. L’idée d’une marche incessante et continue est tout à fait contraire à la réalité historique. Bacon avait vu plus juste que ses disciples du XVIII e siècle lorsqu’il mentionnait, à côté des périodes de progrès, les périodes de régression et d’oubli, suivies de renaissances. La vérité est que la courbe de la vie intellectuelle, si l’on peut ainsi parler, est extrêmement compliquée, et que seules des études de détail peuvent donner une idée de ses méandres. Encore est-il qu’elles peuvent en donner l’idée, et, là non plus, l’œuvre de la critique philologique n’est pas destructrice, tout au contraire. Elle nous montre seulement plusieurs schèmes possibles de développement, là où l’apriorisme historique n’en voyait qu’un. Il y a tantôt marche de la pensée vers un plus grand désaccord, vers une dissipation en une poussière de sectes qui s’opposent l’une à l’autre, comme en Grèce, dans la période qui a suivi la mort de Socrate, tantôt au contraire marche vers l’unité de pensée, vers l’accord presque complet, comme dans la seconde moitié du XVIII e siècle où dominait l’empirisme anglais. Tantôt la pensée philosophique se fait mouvante, suggestive, se transforme en une méthode de vie spirituelle, en une direction mentale comme chez Socrate ou chez Platon, tantôt elle a la forme p.35 d’une doctrine décisive qui a une réponse prête à toutes les questions et prétend l’imposer par une dialectique irréfutable, comme au temps de la scolastique. Il y a des moments où la pensée intellectuelle, comme fatiguée, renonce à affirmer sa propre valeur et cède le pas à des doctrines qui prétendent atteindre la réalité par intuition, sentiment ou révélation ; par exemple l’intellectualisme du XVIII e siècle, avec sa confiance en la raison, est suivi de bien près de l’orgie romantique ; alternance très instructive et qui, peut-être, est une loi générale de l’histoire de la pensée. On voit par ces exemples comment la critique à elle seule, sans le moindre a priori , permettra de classer, d’ordonner les systèmes.
    L’histoire permettra même jusqu’à un certain point de les juger. En effet la valeur d’un système n’est pas indépendante de l’élan spirituel qu’il a créé. Les doctrines philosophiques ne sont point en effet des choses mais des pensées, des thèmes de méditation qui se proposent à l’avenir et dont la fécondité n’est jamais épuisée qu’en apparence, des directions mentales qui peuvent toujours être reprises ; les idées dont elles sont faites ne sont pas les inertes matériaux d’un édifice mental qui pourrait être démoli et dont les matériaux pourraient être tels quels remployés dans d’autres constructions ; ce sont des germes qui veulent se développer ; elles prétendent être un « bien capable de se communiquer [37] ». Or, la recherche historique doit nous permettre de saisir l’élan originel et la manière dont il se développe, dont il cesse, dont parfois il reprend : l’histoire n’est pas achevée, c’est ce que ne doit jamais oublier l’historien de la pensée ; Platon ou Aristote, Descartes ou Spinoza n’ont pas cessé d’être vivants. Un des plus grands services que peut rendre l’histoire est sans doute de montrer de quelle manière une doctrine se transforme ; d’une manière bien différente selon les cas. Il arrive parfois que la doctrine, en devenant p.36 permanente, se raidisse en un dogme, qui s’impose : ainsi, après trois siècles d’existence, le stoïcisme, chez Épictète, est une foi qui n’a plus besoin d’être démontrée. Il arrive aussi qu’un thème philosophique, en cherchant à se fixer en doctrine, à se réaliser en dogmes, finit par s’épuiser en une sorte de complication et de maniérisme, qui fait songer aux brillantes décadences des écoles artistiques dont la

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