Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
pas aux idées, mais qui est ordonnée à leur image. Cette vision de l ’ univers va devenir la vision maîtresse du néoplatonisme. Quant à l ’ emploi des nombres Modératus reconnaît qu ’ il est seulement d ’ un symbolisme commode et n ’ atteint pas la nature des choses. « Ne pouvant transmettre clairement par le discours les premiers principes, les Pythagoriciens ont recours au nombre pour les exposer. Ils appellent un la raison de l ’ union, la cause qui fait que tout conspire, deux la raison de l ’ altérité, de la divisibilité, du changement [633] . » En un mot le Pythagoricien ne connaît pas le nombre comme point de départ d ’ une science autonome, mais comme méthode d ’ accès à la réalité non sensible. Tel est le pythagorisme que l ’ on trouve si fréquemment dans les œu vres de Philon, qui utilise le Timée dont Modératus lui-même a commenté le passage sur les proportions numériques dans l ’ âme [634] . Tel est celui de Nicomaque de Gérasa dans sa Théologie arithmétique .
XI. — PLUTARQUE DE CHÉRONÉE
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De tout côté, pendant ces deux premiers siècles, nous avons des preuves de la faveur grandissante que trouvent les œuvres p.442 de Platon ; on les explique en de nombreux commentaires, en particulier sur le Timée . On discute notamment la question de savoir si c ’ est par un simple artifice d ’ exposition que Platon y représente le monde engendré et s ’ il le croyait éternel. A ceux qui soutiennent cette interprétation, Philon oppose déjà la lettre même de Platon, qui parle d ’ un Dieu père, créateur (ποιήτης), démiurge et aussi l ’ interprétation que donne Aristote [635] . Plutarque [636] qui traite plutôt de la création de l ’ âme conclut, dans le même sens, que l ’ âme a été créée avant le corps ; sans quoi serait détruite la valeur de l ’ argumentation platonicienne contre les athées, qui repose sur le fait que l ’ âme est antérieure au corps. Mais l ’ interprétation contraire, celle de l ’ éternité du monde, finit par s ’ imposer complètement, sauf aux penseurs chrétiens qui utilisent le Timée .
On imite aussi beaucoup les mythes de la destinée. Plutarque l ’ a fait plusieurs fois. Dans un de ces mythes, les âmes après la mort s ’ élèvent vers le ciel, traversent d ’ abord un Styx céleste, jusqu ’ à la lune, où séjournent celles qui ne sont ni mauvaises ni impures ; là, il y a une deuxième mort, et, comme l ’ âme s ’ était séparée du corps, l ’ intelligence se sépare de l ’ âme qu ’ elle laisse dans la lune pour monter à travers les sphères célestes : schème constant qui revient avec d ’ infinies variantes [637] . L ’ Hadès souterrain a complètement disparu de ces mythes ; c ’ est le monde entier qui est devenu le théâtre de la destinée de l ’ âme.
Le platonisme de Plutarque est lié à une réaction nationale très forte en faveur des traditions religieuses grecques en même temps qu ’ à une critique assez violente des grands dogmatismes post-aristotéliciens ; on trouve chez lui, avec une apologie de l ’ oracle delphique, une protestation contre l’interprétation rationaliste des dieux, à la fois contre celle qui les réduit p.443 à des facultés et des passions de l ’ âme, et contre le stoïcisme qui en fait des forces naturelles [638] . Plutarque est l ’ homme qui, à la fois théologien, prêtre et philosophe ne veut rien abandonner de l ’ héritage grec, et veut encore l ’ accroître de toute la richesse des cultes égyptiens d’Isis.
XII. — GAIU S , ALBINUS ET APULÉE. NUMÉNIUS
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Plusieurs manuscrits nous ont conservé, sous le nom d ’ Alcinoüs, une Introduction aux dogmes de Platon ; comme Freudenthal l ’ a démontré, l ’ œuvre est en réalité d ’ Albinus, le Platonicien qui fut le maître de Galien à Smyrne en 152, après avoir été à Athènes l ’ élève de Gaius. D ’ autre part, M. Sinko a fait voir qu ’ Apulée, qui résida à Athènes vers 140, a rédigé son traité Sur le dogme de Platon d ’ après le même cours qu ’ Albinus, c ’ est-à-dire d ’ après celui de Gaius. On voit, dans ces deux œuvres, comment Gaius contraint d ’ entrer les matières de l ’ enseignement platonicien dans le cadre devenu traditionnel, logique, physique et éthique ; on y trouve un monde éternel, un dieu transcendant dont la nature est déterminée
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