Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
par de doubles négations (ni mauvais, ni bon ; ni qualifié, ni sans qualité) à la manière de l ’ Un du Parménide de Platon, et qui est connu soit par la méthode d ’ abstraction, soit par la méthode d ’ analogie.
Des fragments qui restent de l ’ œuvre des Platoniciens de la fin du I I e siècle, Sévère, Atticus, Harpocration, Cronius et surtout Numénius, on peut conclure que, dans ses grands traits, la représentation néoplatonicienne du monde est tout à fait fixée. Numénius, à l ’ époque des Antonins, a écrit un livre pour réfuter l ’ opinion d ’ Antiochus, qui assimilait Platon aux Stoïciens et pour revendiquer l ’ autonomie du platonisme que, comme p.444 Philon, il rapprochait de Moïse [639] . On connaît sa théorie des trois dieux : au sommet, l ’ intelligence première (ou Bien en soi), créatrice des intelligibles ; au-dessous, le démiurge, créateur du monde sensible ; et enfin le monde, le troisième dieu ; il n ’ y a rien là qu ’ une interprétation du Timée [640] . On connaît aussi, par Proclus [641] , sa croyance en un Hadès céleste au milieu duquel il décrit l ’ allée et venue des âmes.
XIII. — RENAISSANCE DE L ’ ARISTOTÉLISME
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Beaucoup moins populaire que le platonisme, beaucoup moins disposé à s ’ unir aux croyances générales de l ’ époque, l ’ aristotélisme doit sa renaissance au I I e siècle au goût qui portait les esprits vers les anciennes doctrines ; les Péripatéticiens, depuis Andronicus qui édita les œuvres d ’ Aristote vers 50 avant J.-C., inclinent à chercher le sens exact des paroles du maître plutôt qu ’ à développer, selon sa méthode, la connaissance de la nature. De là cette série de commentaires, dont les premiers, ceux d ’ Adrastus (à l ’ époque d ’ Adrien), sont perdus ; les plus anciens que nous ayons sont ceux d ’ Alexandre d ’ Aphrodise sur la Métaphysique , sur les Premiers analytiques , les Topiques et les Réfutations des sophistes ; enfin sur La sensation et les Météores , auxquels il faut joindre des traités Sur l ’ âme et Sur le destin ; ils datent environ de la fin du I I e siècle. Plus tard, l ’ étude d ’ Aristote et de ses commentateurs devient un exercice obligatoire dans toute école philosophique ; c ’ est par exemple fort souvent la lecture d ’ un commentaire d ’ Aristote qui sert de point de départ aux traités de Plotin (par exemple Ennéade IV, 6) ; si bien que, le péripatétisme disparaissant de nouveau comme école devant le grand succès du platonisme, les p.445 commentaires d ’ Aristote continuent jusqu ’ à la fin de l ’ antiquité ; la célèbre Isagoge de Porphyre, l ’ élève de Plotin, qu ’ une traduction latine de Boèce fit connaître au moyen âge occidental, était une introduction à l ’ étude des Catégories . Les plus connus de ces commentateurs sont Thémistius (2 e moitié du I V e siècle) et surtout Simplicius, dont les commentaires sur les Catégories , sur la Physique et sur le traité du Ciel sont d ’ une surprenante richesse d ’ information [642] . Ces commentaires se relient, sans aucune suture, aux commentaires en syriaque, puis en arabe, et enfin à ceux qu ’ on écrivit en Occident, à partir du XII I e siècle, sans oublier les commentateurs byzantins, qui se rattachent à Jean Philopon (début du V I e siècle).
Une tradition, si constamment suivie, dont nous voyons ici le début, a une importance historique que l ’ on peut difficilement exagérer ; par elle se sont transmises et certaines manières de poser des problèmes philosophiques, et certaines manières de classer les idées, dont la pensée occidentale est toute imprégnée. On peut en donner en exemple la discussion qui commence à Théophraste et qui se poursuit pendant le moyen âge entier sur la nature des intellects et de la connaissance intellectuelle d ’ après un obscur chapitre d ’ Aristote (p. 238).
D ’ après Thémistius, Théophraste interprétait ainsi la doctrine du maître : la connaissance intellectuelle est la découverte des formes intelligibles, incluses dans les choses sensibles, par un intellect passif qui est amené à l ’ activité par un intellect agent. Et il faisait à Aristote les trois objections suivantes : « On ne sait si l ’ intellect patient est acquis ou s ’ il est inhérent ; de plus, on ignore la nature de la passion que subit cet intellect
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