Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
tout un, par exemple une privation, n’est pas être) ; au-dessous la série de la vie, puis la série de l’âme. La série, Proclus le dit positivement (prop. 111), est le genre. Seulement, pour Proclus, le genre est cause, c’est-à-dire que dans son unité, il contient sans distinction toutes les espèces. C’est dire que chaque série est comme un monde (diacosmos) dont chacun contient à sa façon toutes les réalités possibles ; ce qui est contenu dans la série des hénades sous la forme de l’hénade est contenu dans la série de l’être sous forme d’être et ainsi de suite ; donc à chaque partie du contenu de l’hénade correspond une partie du contenu de l’être, de la vie, de l’intelligence ; de l’âme ; l’ensemble des parties correspondantes, prises aux étages différents, s’appelle un p.479 ordre (τάξις), pour autant que Proclus lui-même est fidèle à sa terminologie.
Donc il y a comme une loi de développement ou de distribution de la réalité qui est commune à toutes les séries : les êtres se divisent comme les unités, les êtres vivants comme les êtres, les intelligences comme les êtres vivants, les âmes comme les intelligences.
Cherchons à comprendre ce qu’est cette loi de distribution. L’Un primordial, principe de toutes les choses, a, rappelons-le, par rapport aux êtres qui en dépendent, des fonctions diverses : il en fait des êtres achevés (τελεσιουργει̃) ; il retient ensemble les parties de leur essence (συνέχει) ; il protège leur limite contre l’envahissement des autres essences (φρουρει̃) ; c’est grâce à l’Un qu’il y a un système d’êtres définis et systématisés. Or ces diverses fonctions, complètement indivisées en l’Un, doivent se séparer ; de cette séparation naît la série des hénades ou dieux, dont chaque terme définit un dieu ou une classe de dieux ; il y a les dieux qui achèvent, ceux qui contiennent, ceux qui gardent, et d’autres encore si l’on trouve d’autres propriétés de l’Un. Cette composition de la série des hénades ou dieux se retrouve dans claque série inférieure, ce qui veut dire que chaque série a, à l’égard de son inférieure, la fonction d’achever, de contenir et de garder ; l’être déterminant ainsi le système ou série des intelligences, l’intelligence celle des âmes, les âmes exerçant enfin les mêmes fonctions dans le monde sensible.
Mais il y a plus : chaque série contient en elle-même, sous son point de vue propre, les caractères de toutes les autres séries. Rendons compte d’abord des caractères des cinq séries subordonnées : des unités dérivent les essences ou êtres fixes et intelligibles ; de ces êtres les Vies qui ne sont que ces êtres conçus comme formant un système analogue à un vivant (l’animal en soi du Timée de Platon) ; des Vies, les Intelligences, sujets intellectuels qui appréhendent et contemplent ; des p.480 Intelligences, les âmes qui vont animer le monde sensible. Or chaque série (c’est la conséquence nécessaire du fait que le genre contient l’espèce) contient en elle des termes correspondant à toute la suite des séries. La structure Un, être, vie, intelligence, âme n’est pas seulement celle de la suite des séries, mais celle de chacune des séries. Dans la série des unités il y a, outre l’unité en elle-même, des unités ou dieux intelligibles, correspondant à l’être, des dieux intelligents correspondant à l’intelligence, des dieux intra-cosmiques correspondant aux âmes. Il en est de même dans chacune des séries, chacune ayant à son sommet une unité correspondant à la série divine, Intelligence une, âme une, etc., et contenant à sa manière, en tant qu’intelligence, âme, vie ou être, tout ce que contiennent les séries supérieures ou subordonnées.
Ainsi, dans chaque série, deux thèmes de classification juxtaposés mais non unis, l’un reposant sur la division de l’Un en ses fonctions, l’autre sur le principe que tout est dans tout. C’est tout autre chose que la philosophie de Plotin : tout est fait, dans le système de Proclus, pour que chaque réalité reste à sa place, dans une hiérarchie figée ; elle a en quelque sorte dans sa série tout ce qu’il lui faut ; ainsi les intelligences de la quatrième série ne contemplent pas les intelligibles de la deuxième ; mais à l’intérieur même de la quatrième série, il y a
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