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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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NOTRE ÈRE
     
    I. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
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    p.486 Le christianisme ne s’oppose pas à la philosophie grecque comme une doctrine à une autre doctrine. La forme naturelle et spontanée du christianisme n’est pas l’enseignement didactique et par écrit. Dans les communautés chrétiennes de l’âge apostolique, composées d’artisans et de petites gens, dominent les préoccupations de fraternité et d’assistance mutuelle dans l’attente d’une proche consommation des choses. Rien que des écrits de circonstances, épîtres, récits de l’histoire de Jésus, actes des apôtres, pour affermir et propager la foi dans le royaume des cieux ; nul exposé doctrinal cohérent et raisonné.
    La philosophie grecque est arrivée, vers l’époque de notre ère, à l’image d’un univers tout pénétré de raison, dénué de mystère, dont le schéma est sans cesse répété par les écrits philosophiques comme sous des formes plus populaires (le traité Sur le monde  ; les Questions naturelles de Sénèque, etc.) ; évanoui, dans un pareil univers, le problème de la destinée future soit par l’idée épicurienne de la « mort immortelle » qui ne concerne en rien les vivants, soit par l’acceptation stoïcienne de la mort comme de tous les événements que tisse l’universel destin ; évanouis les mythes des dieux, ramenés soit à la proportion d’un récit historique par Evhémère qui veut y p.487 retrouver l’histoire de rois défunts, soit à un symbolisme physique par les Stoïciens. Toute l’attitude pratique du philosophe est commandée par ce rationalisme ; dans ses consolations, dans ses conseils, dans sa direction de conscience, c’est toujours le même retrait : quelle raison de se plaindre, de craindre, de se troubler dans un monde où tout événement arrive à sa place et à son heure ?
    Au moment où le philosophe prêchait à Rome le rationalisme, Jésus enseignait en Galilée à des gens sans instruction, ignorant tout des sciences grecques et de leur conception du monde, plus aptes à saisir les paraboles et les images que les raisonnements d’une dialectique serrée ; dans cet enseignement, le monde, la nature et la société n’interviennent pas comme des réalités pénétrées de raison et se pliant docilement à la compréhension du philosophe, mais comme d’inépuisables réservoirs d’images pleines de signification spirituelle, le lys des champs, le fils prodigue, la ménagère à la recherche de sa drachme perdue, et tant d’autres dont la fraîcheur et le caractère populaire font contraste avec les fleurs attendues et les précieuses élégances des diatribes. Lui aussi, il apprend comment on atteindra le bonheur ; mais ce n’est pas par une sorte d’héroïsme de la volonté qui fait considérer tous les événements extérieurs comme indifférents ; la pauvreté, les chagrins, les injures, les injustices, les persécutions, ce sont là des maux véritables, mais des maux qui, grâce à la prédilection de Dieu pour les humbles et les déshérités, nous ouvrent le royaume des cieux. La souffrance et l’attente, une sorte de joie dans la souffrance, qui vient de l’attente du bonheur, quel état différent, chez le disciple du Christ, de cette sérénité du sage qui, à chaque moment, voit, accomplie, sa destinée tout entière !
    Or, à propos de cet enseignement du Christ, qui s’oppose avec évidence à l’hellénisme par l’absence totale de vues théoriques et raisonnées sur l’univers et sur Dieu, l’historien de la philosophie doit se poser un problème qui n’est d’ailleurs qu’un aspect p.488 d’un problème plus général concernant l’histoire de la civilisation : quelle est, au juste l’importance, dans l’histoire des spéculations philosophiques, du fait que la civilisation occidentale, à partir de Constantin, est devenue une civilisation chrétienne ? On connaît toute la gamme des réponses qui ont été faites à cette question : elle est nulle, disent certains, et cela peut se dire avec deux intentions différentes, soit pour sauver la pureté du christianisme évangélique qui ne contient rien que le devoir d’amour et de charité et le salut par le Christ, soit pour garantir l’indépendance et l’autonomie de la pensée rationnelle ; dans la première intention, l’on montre (tel a été le point de vue des premiers historiens protestants de la philosophie) [690] que la dogmatique chrétienne qui

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