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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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école à Chartres en 990 sont les principaux auteurs de ces commentaires. Un document du XI e siècle nous a conservé dans leur ordre les matières de l’enseignement de la dialectique à Chartres [760]. On y étudiait successivement : l’Isagoge de Porphyre, les Catégories d’Aristote, les Catégories de saint Augustin (avec la préface d’Alcuin), les Définitions de Boèce, les Topiques de Cicéron, les Perihermeneias d’Aristote et d’Apulée, les Différences topiques de Boèce, des compositions anonymes sur la rhétorique, les Divisions de Boèce, le traité. de Gerbert de ratione uti et rationali  ; enfin les Syllogismes catégoriques et les Syllogismes hypothétiques de Boèce.
    On voit combien une pareille éducation, prolongée pendant des années, pouvait rompre à la discussion. Mais tout autre art que la dialectique semblerait presque oublié, si l’on ne pouvait citer la Géométrie de Gerbert vers 983, qui, dans ses méthodes de mesure, paraît trahir l’influence des mathématiciens arabes [761]. Mais la dialectique règne en maîtresse, et elle donne à l’esprit ce goût de la discussion, des distinctions et des divisions sans fin, qui va dominer toute la philosophie médiévale.
     
    II. — LA CONTROVERSE DE BÉRENGER DE TOURS.
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    p.551 Mais ce qui intéresse l’histoire de la philosophie, c’est moins la dialectique comme art de la discussion que l’usage que l’on tente d’en faire pour arriver à une conception du réel. Pour préciser, rappelons que la collection de Boèce posait plusieurs problèmes, proprement métaphysiques, d’abord le problème de la réalité des universaux dans le célèbre texte de Porphyre ; ensuite (ainsi que saint Augustin) le problème, non moins célèbre au Moyen âge de la limite d’applications des catégories (cf. p. 529) ; les dix catégories ou genres de l’être ne s’appliquent qu’au monde sensible ; la dialectique, qui n’opère qu’avec des genres et des espèces subordonnés aux catégories, ne peut, donc, elle non plus, atteindre une réalité supérieure. Mais il s’agit alors de savoir comment on pourra parler de cette réalité. Ajoutons enfin que les commentaires de Boèce livraient quelques-unes des notions techniques de la philosophie d’Aristote, par exemple celle de forme et de matière, celle d’acte et de puissance.
    Il y a là tout autre chose qu’un simple art de la discussion. On s’en aperçoit déjà dans l’ Epistola de nihilo et tenebris , de Frédégise, petit traité d’ailleurs assez « sot et naïf », comme le dit Prantl, l’historien de la logique ; l’auteur élève d’Alcuin soutient que le néant (nihil) existe ; car dire qu’il est néant, cela implique qu’il est.
    Le petit traité de Gerbert de Rationali et rationalibus uti est autrement instructif que ce grossier réalisme. Porphyre dit au chapitre VII de l’ Isagoge  : «  Raisonnable étant la différence spécifique, user de la raison se dit de cette différence ; et il se dit aussi de toutes les espèces d’êtres subordonnées à cette différence. » On objectait à Porphyre la règle logique qui veut que le prédicat ait une extension supérieure ou au plus égale à celle du sujet : règle qui est ici violée puisque le terme p.552 raisonnable étant une puissance dont user de la raison est l’acte, le sujet aurait plus d’extension que son prédicat. Gerbert répond en distinguant les prédicats qui font partie de l’essence du sujet comme raisonnable est partie de l’essence de l’homme, et les prédicats accidentels, comme user de la raison , quand il se dit de raisonnable  : la règle indiquée ne vaut que pour les prédicats du premier genre.
    C’est cette distinction tranchée des attributs essentiels et accidentels que permet de poser nettement le problème des universaux : car les universaux, dont on se demande s’ils sont réels, ce sont uniquement les genres et les espèces, animal, homme, qui sont des attributs essentiels d’un individu comme Socrate. Sur ce point, les commentateurs de Boèce, comme le pseudo Rhaban Maur (dont on s’accorde à placer le Super Porphyrium dans la première moitié du XI e siècle), suivaient les indications que l’on trouve chez le maître, et qui proviennent d’Aristote ; ils répétaient ce qu’avaient dit Boèce et aussi Simplicius, que les Catégories , étude des attributs, ne peuvent se rapporter aux choses (puisque res non praedicatur ), mais

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