Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
par Psellos.
Contre Pléthon, Théodore Gaza représente au X V e siècle, la vieille tradition de l ’ accord de Platon avec Aristote [825] . Les commentaires d ’ Aristote se poursuivirent d ’ ailleurs à Byzance pendant toute cette période : parmi les disciples mêmes de Psellos, Michel d ’É phèse commente une partie de l ’ Organon et le X e livre de l ’ Éthique à Nicomaque , Jean Italos, le De Interpretatione , Eustrate, l ’ Éthique à Nicomaque et les Seconds Analytiques . Nicéphore Blemmydès, Georges Pachymère (1242-1310), Sophonias, Jean Pédiasimos, Léon Magentinos ont, au XI V e siècle, paraphrasé ou résumé les traités logiques et psychologiques d ’ Aristote et ont copié les commentaires de Simplicius et d ’ Ammonius.
Enfin il convient d ’ indiquer tout au moins, à côté de ces philosophes officiels et universitaires, un courant d ’ idées mystiques qui se poursuivit dans les monastères ; il a une de ses premières manifestations dans l ’ Échelle du Paradis de saint Jean, dit Climaque, abbé du monastère du mont Sinaï au début du VI I e siècle ; cette œu vre, qui devint célèbre et qui fut connue notamment en Occident par Gerson, a subi des influences d ’ une pensée philosophique plus populaire que celle de Platon et d ’ Aristote, et l ’ on trouve en elle un écho de la pensée stoïcienne et cynique. Saint Jean indique en effet trente degrés successifs dans son échelle, et le vingt-neuvième est l ’ impassibilité p.630 (α̉πάθεια) ; l ’ impassible est « celui qui a rendu sa chair incorruptible, qui a élevé sa pensée au-dessus de la création, et qui lui a subordonné toutes ses sensations » [826] . Saint Jean voyait dans les Pères du désert, en Égypte, dont l ’ Histoire Lausiaque nous raconte la vie, d ’ illustres exemples de cette impassibilité ; son œuvre forme ainsi un des chaînons qui relie la mystique chrétienne aux Pyrrhon et aux Diogène.
Le courant de mysticisme spéculatif, qui se rattache à Denys l ’ Aréopagite continue aussi dans les monastères grecs, avec Syméon (1025-1092) qui soutenait que l ’ intuition mystique était incompatible avec la vie mondaine et possible seulement chez les moines. Grégoire Palamas et son élève Nicolas Cabasilas, qui furent l ’ un et l ’ autre, vers le milieu du XI V e siècle, archevêques de Thessalonique, prennent parti pour les Hésychastes, qui soutiennent qu ’ il existe, en dehors de la Trinité, une lumière incréée qui émane d ’ elle et qui met le mystique en communication avec Dieu, suprême manifestation de l ’ émanatisme néoplatonicien au sein du christianisme.
Bibliographie
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CHAPITRE V
LE XIIIe SIÈCLE
I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX
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p.633 On sait quel magnifique éloge Auguste Comte [827] fait du XII I e siècle : âge organique par excellence qui a réalisé l ’ unité spirituelle, la véritable catholicité. Vers ce siècle se tourne le rêve de tous ceux qui jugent impossible toute paix sociale sans le fondement d ’ une foi commune qui dirige la pensée et l ’ action et se subordonne la philosophie, l ’ art et la morale.
Assurément, il n ’ existe peut-être aucune époque où les cadres de la vie spirituelle aient été plus solides et plus nets. Les circonstances étaient alors spécialement favorables ; la renaissance de villes puissantes et commerçantes favorisait, comme elle le fait toujours, l ’ actif échange des idées ; l ’ Université de Paris, à qui l ’ on va voir jouer un tel rôle dans la vie intellectuelle du XII I e siècle, est incompréhensible sans le Paris de Philippe-Auguste, la capitale d ’ un royaume qui devient le plus puissant de l ’ Europe et qui attire les étrangers de toute nation : nulle trace d ’ exclusivisme national dans cet enseignement donné en une langue qui est la langue liturgique de la chrétienté, donné par des maîtres de tout pays, des Anglais comme Alexandre de Halès, des Italiens comme saint Bonaventure et saint Thomas d ’ Aquin, des Allemands comme Albert p.634 le Grand. C ’ est l ’ Université de la chrétienté occidentale tout entière, et c ’ est le chef de la chrétienté, le vicaire du Christ qui, en l ’ organisant et en lui donnant des statuts, prétend en faire le centre même de la vie chrétienne. C ’ est le même pape, Innocent III, qui a créé l ’ Inquisition, confirmé les ordres mendiants,
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