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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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opuscules sur des sujets purement théologiques ou mystiques. Mais, dans cet itinéraire, il rencontre la raison et la philosophie, et il en assimile tout ce qui peut servir à conduire à une vie spirituelle supérieure.
    Mise ainsi à sa place dans l ’ élan qui nous mène à Dieu, la raison philosophique n ’ a de signification que dans la mesure où elle est tournée vers Dieu  ; elle indique une étape transitoire entre un stade inférieur où nous connaissons moins Dieu et un stade supérieur où nous le connaîtrons davantage, un des moments où nous passons en allant de l ’ état de simple croyance à la contemplation. «  On commence par la stabilité de la foi, et l ’ on progresse par la sérénité de la raison pour parvenir à la p.647 suavité de la contemplation  » [831] . Saint Bonaventure reste tout à fait dans la ligne de la philosophie néoplatonicienne  : la raison conçue comme un intermédiaire entre la croyance et une intuition intellectuelle qui saisit d ’ emblée le principe : nulle idée chez lui d ’ une raison qui, dans la sphère où s ’ appliquent ses règles, se suffirait à elle-même et qui créerait des sciences autonomes. La raison non moins que la foi d ’ une part et la contemplation de l ’ autre résulte chez lui d ’ une grâce sanctifiante qui se manifeste d ’ abord, par la vertu de la foi ( credere ), puis par le don de l ’ intelligence de ce que l ’ on croit ( intelligere credita ), enfin par la béatitude de la contemplation ( videre intellecta )  : c ’ est là le schème des degrés de la connaissance, tel que Platon le traçait à la fin du V I e livre de la République  : l ’ accent de dévotion qui s ’ y ajoute ne saurait rien changer au fond des choses.
    Il s ’ ensuit que la philosophie ne doit pas être, pour Bonaventure, le fruit d ’ une curiosité qui veut atteindre les choses en elles-mêmes, mais d ’ une tendance religieuse qui nous porte vers Dieu. «  Les créatures peuvent être considérées ou bien comme des choses ou bien comme des signes  » [832] ; c ’ est comme signes que les considère Bonaventure  ; en tout il cherche des expressions, des images, des vestiges, des ombres de la nature de Dieu  : les solutions des questions les plus techniques, où il s ’ oppose à saint Thomas, sont commandées chez lui par ce vaste symbolisme qui lui fait considérer la nature, à l ’ égal de la Bible, comme un livre dont il faut déchiffrer le sens divin. Dieu, la création, le retour de l ’ âme à Dieu par la connaissance et l ’ illumination  ; ou si l ’ on aime mieux  : Dieu cause exemplaire, Dieu cause efficiente, Dieu cause finale, tels sont les trois uniques thèmes de la philosophie. L ’ existence de Dieu est elle-même une évidence  : évidence pour l ’ âme qui, en se connaissant, se connaît comme l ’ image de Dieu, et qui, connaissant les p.648 choses imparfaites, composées, mobiles saisit par là même l ’ être parfait, simple, immuable dont elles sont les effets. Dieu comme cause exemplaire est l ’ objet de la métaphysique proprement dite  : Bonaventure affirme avec force contre Aristote l ’ existence des idées platoniciennes  ; en elles seules, Dieu trouve son expression véritable et complète et sa première ressemblance  ; aussi bien le monde des Idées n ’ est pas une créature, il est Dieu même comme Verbe ou comme Fils  ; il est donc un et simple et il n ’ apparaît multiple qu ’ autant qu ’ il donne naissance à une multiplicité finie de choses sensibles. Le monde intelligible de Bonaventure n ’ est pas celui de Plotin, d ’ abord parce qu ’ il n ’ est pas inférieur à son principe, ensuite parce qu ’ il n ’ est pas un intermédiaire entre Dieu et le monde sensible et comme une première création, toute spirituelle, du monde  ; et en ce sens, Bonaventure n ’ est nullement platonicien  ; rien ne vient combler le gouffre infini qui sépare la créature du créateur  ; rien en revanche ne vient faire obstacle au retour de l ’ âme à Dieu.
    C ’ est pourquoi Dieu, comme cause efficiente ou créatrice, doit être différent de Dieu comme cause exemplaire  : dans l ’ unité infinie du Verbe qui est le modèle d ’ une infinité de mondes possibles, la volonté de Dieu choisit un de ces mondes pour des raisons qui nous sont entièrement impénétrables. Bonaventure refuse en effet d ’ admettre que la raison du meilleur puisse

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