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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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de Boèce, il détruit la religion, professe des idées hérétiques, méprise la Bible... Et n ’ a-t-il pas professé que la religion chrétienne ne repose point sur des preuves, mais sur la croyance, qui serait supérieure à toute preuve  ! » [878] . Or le Pogge est un fonctionnaire de la Curie romaine  ; quant à Laurent Valla, le cardinal de Cuse, en 1450, le recommandait au pape et voulait l ’ y faire entrer.
    Ce désir intense d ’ une vie autre, nouvelle et dangereuse, est provoqué ou du moins accentué par l ’ énorme accroissement de l ’ expérience et des techniques qui, en un siècle, change les conditions de la vie matérielle et intellectuelle de l ’ Europe. Accroissement de l ’ expérience dans le passé, grâce aux humanistes qui lisaient les textes grecs, et qui, au XV I e siècle, s ’ initièrent aux langues orientales  ; l ’ important est moins encore la découverte de nouveaux textes que la manière dont on les lit  ; c ’ est le même De officiis de Cicéron que connaissent saint Ambroise et Érasme  ; saint Ambroise y cherche des règles pour ses clercs  ; Érasme y trouve une morale autonome et indépendante du christianisme  ; il ne s ’ agit plus maintenant d ’ accommoder ces textes à l ’ explication des Écritures, mais de les comprendre en eux-mêmes. Accroissement de l ’ expérience dans l ’ espace, lorsque, dépassant les bornes de l ’οι̉κουμένη, où la chrétienté, après l ’ antiquité, avait   tracé les limites de la terre habitable, l ’ on découvre non seulement de nouvelles terres, qui détournent les regards du bassin de la Méditerranée, mais de nouveaux types d ’ humanité dont la religion et les mœurs sont inconnues. Accroissement des techniques, non seulement par la boussole, la poudre à canon et l ’ imprimerie, mais par des inventions industrielles ou mécaniques dont plusieurs sont dues à des artistes italiens qui étaient en même temps p.741 des artisans. Les hommes de cette époque, même attachés à la tradition, ont l ’ impression que la vie, longtemps suspendue, reprend, que la destinée de l ’ humanité recommence  :«  Nous voyons partout, écrit le Cardinal de Cuse vers 1433, les esprits des hommes les plus adonnés à l ’ étude des arts libéraux et mécaniques, retourner à l ’ antiquité, et avec une extrême avidité, comme si l ’ on s ’ attendait à voir s ’ accomplir bientôt le cercle entier d ’ une révolution »  [879] .
    Les esprits étaient naturellement portés à confronter avec cette expérience accrue les conceptions traditionnelles de l ’ homme et de la vie, fondées sur une expérience bien plus restreinte. Malgré toutes les divergences et toutes les diversités, il n ’ y a eu, durant le Moyen âge tout entier, qu ’ une seule image ou, si l ’ on veut, un seul schème dans lequel viennent naturellement s ’ encadrer toutes les images possibles de l ’ univers  : c ’ est ce que nous avons appelé le théocentrisme  : de Dieu comme principe à Dieu comme fin et consommation, en passant par les êtres finis, voilà une formule qui peut convenir à la plus orthodoxe des Sommes comme à la plus hétérodoxe des mystiques, tant l ’ ordre de la nature et l ’ ordre de la conduite humaine viennent se placer avec une sorte de nécessité entre ce principe et cette fin.
    Une pareille synthèse n’était possible que grâce à une doctrine qui concevait toutes les choses de l’univers par référence à cette origine ou à cette fin, tous les êtres finis comme des créatures ou des manifestations de Dieu, tous les esprits finis comme en train de s’approcher ou de s’éloigner de Dieu. Or c’est cette référence qui, de plus en plus, devient impossible : déjà, au XII e siècle, nous avons vu comment s’ébauchait un naturalisme humaniste qui étudiait en elles-mêmes la structure et les forces de la nature et de la société ; plus encore, au XIV e siècle, laissant délibérément tout ce qui regarde p.742 l ’ origine et la fin des choses, démontrant même que c ’ est par erreur qu ’ on a cru saisir dans l ’ opposition du ciel immuable et de la région sublunaire quelque chose du plan divin, les occasions étudient la nature en et pour elle-même. Mais, aux deux siècles suivants, que de raisons nouvelles de s ’ écarter du théocentrisme ! Les étranges et mystérieuses profondeurs que l ’ on soupçonnait à peine dans l ’

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