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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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douteux qu’ils cherchent tous le bonheur ; plaisir, science, richesse ne sont que des moyens pour atteindre cette fin qui ne se subordonne plus à aucune autre. La fin est donc le bonheur, mais un bonheur humain, c’est-à-dire qui nous soit accessible par nos actions et qui dure pendant la plus grande partie de la vie. Mais il importe de voir que ce bonheur qui oriente l’action comme une fin n’est ni une partie ni un résultat de l’action (pas plus que l’intuition p.241 intellectuelle n’est un résultat du travail mental puisqu’elle oriente plutôt ce travail) ; le bonheur est dans une autre catégorie que l’action : le bonheur est un absolu et un acte, l’action est relative à une fin [353] ; il nous arrive comme un don des dieux et une récompense de notre vertu ; principe des biens, il a quelque chose de divin [354]. C’est d’ailleurs l’opinion universelle des hommes, qui considèrent le bonheur comme une chose précieuse entre toutes, mais non point comme une chose louable. On croirait qu’Aristote lutte contre cetype d’eudémonisme, si différent du sien, qui prévalut après lui, et qui réunit ce qu’il s’efforçait par-dessus tout de distinguer : le louable et le précieux, l’action et la fin [355].
    C’est une règle universelle qu’un être n’atteint sa fin propre que s’il accomplit la fonction qui lui estpropre ; l’excellence dans l’accomplissement de cette fonction est la vertu de cet être. Lanotion de vertu en général dépasse donc de beaucoup la sphère de la morale ; on peut parler de la vertu d’un être vivant et même d’un objet inanimé ou d’un outil fabriqué. Le mot ne suggère pas une qualité spécifiquement morale. De plus, la vertu d’un être est quelque chosed’acquis, de surajouté à l’essence ; en effet, il n’y a pas de plus oude moins dans l’essence et, là-dessus, Aristote est irréductible ; on est homme ouon ne l’est pas ; on ne peut l’être plus oumoins. Mais de l’essence d’un être ne se déduisent pas toujours toutes ses qualités avec lamême nécessité que les propriétés d’un triangle se déduisent de son essence ; il y a des degrés de perfection différents pour un être de même essence ; il y a des outils de bonne et de mauvaise qualité, bonne ou mauvaise qualité ne faisant pas partie de l’essence ; c’est donc dans la catégorie de dualité que se prouve la vertu, et plus spécialement dans les qualités acquises ( Éthique, I, 13  ; II, 1 ).
    p.242 Appliquons ces principes à l’homme : sa fonction propre et distinctive est l’activité conforme à la raison ; toute activité humaine, bonne ou mauvaise, est raisonnable ; la vertu humaine consiste dans la perfection ou l’excellence de cette activité. Réaliser le sens de cette formule, tel est le but de la théorie des vertus ; or, ce sens est extraordinairement complexe et riche, si l’on veut le voir à l’œuvre dans tous les détails particuliers de la vie humaine, et c’est bien ce qu’il faut ; car l’éthique doit enseigner comment agir, et par conséquent descendre à tous les cas particuliers ; « en matière d’action, les notions générales sont vides ; et les notions particulières ont plus de vérité parce que les actions portent sur le particulier ( III, 7 , début) », L’éthique est donc une sorte de description très concrète de la manière dont la raison peut pénétrer et diriger toute l’activité humaine ; aucun détail de la vie passionnelle et des relations sociales n’est omis ; car c’est grâce à ce détail que la raison prend un sens. L’éthique s’oriente tout naturellement vers la description des passions, comme, vers la même époque, la comédie nouvelle de Ménandre (342-290) remplace la violence des diatribes d’Aristophane par la délicate analyse des caractères. Ce sont ces analyses qui donnent tout son prix à l’ Éthique à Nicomaque  ;ilne s’agit point de règles générales mais de rechercher « quand il faut agir, dans quel cas, à l’égard de qui, en vue de quoi et de quelle manière ( II, 7 ) ».
    La vertu est une disposition stable d’où naît l’action vertueuse ; cette disposition n’est pas naturelle et innée ; l’homme naît avec des dispositions à certaines passions, à la colère ou à la peur par exemple ; mais ces dispositions ne sont ni vice ni vertu, et il n’en est ni loué ni blâmé. La vertu est une disposition acquise,

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