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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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bien sans doute que le corps organisé est une condition sans laquelle l’intelligence ne saurait penser ; car elle ne peut penser sans images. Mais, étant en elle-même indépendante et du fonctionnement d’un organe et des images mêmes, il faut dire qu’elle s’ajoute à l’âme par une sorte d’épigénèse, qu’elle y entre de l’extérieur et « par la porte » [348].
    L’âme est alors conçue d’une manière analogue au monde, et, peut-on dire, selon le même schème : un développement de facultés qui, appuyé sur le corps organisé, s’oriente vers un terme, l’intelligence, qui leur est, à certains égards, transcendant. Psychologie et cosmologie, dont les liens s’étaient un peu détendus chez Platon, grâce au mythe de la destinée qui créait vraiment à l’âme une individualité, s’unissent plus fortement que jamais. Dans cette philosophie, l’âme n’est faite, si l’on peut dire, que pour être une image spirituelle de la réalité. « L’âme p.239 est en quelque façon tous les êtres ; car les êtres sont ou bien sensibles ou bien intelligibles ; or la science est en quelque manière le su, et la sensation, le sensible [349] ». Dans cette vue synthétique de l’âme ne sont mis en évidence que les deux pôles : sensation et intelligence ; l’entre-deux, c’est-à-dire tous les mouvements de pensée où nous sommes nous-mêmes, réflexion, opinion, imagination, sont absorbés dans leur relation à l’un ou à l’autre de ces pôles fixes, où l’âme se fait purement représentative et intuitive de la réalité.
     
    XII. — MORALE
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    Toute la pensée platonicienne reposait sur une union parfaitement intime entre la vie intellectuelle, morale et politique : la philosophie par la science atteint la vertu et la capacité de gouverner la cité. Tout cela se dissocie chez Aristote : le bien moral ou bien pratique, c’est-à-dire celui que l’homme peut atteindre par ses actions, n’a rien à voir avec cette Idée du Bien que la dialectique mettait au sommet des êtres [350] ; la morale n’est pas une science exacte comme les mathématiques, mais un enseignement qui vise à rendre les hommes meilleurs, et non seulement à leur donner des opinions droites sur les choses à rechercher ou à fuir, mais à les leur faire effectivement rechercher ou fuir. « Quand il s’agit de vertu, il n’est pas suffisant de savoir ; il faut encore la posséder et la pratiquer. » Sur la portée de cet enseignement, le moraliste ne doit pas se faire trop d’illusions : de simples discours ne suffisent pas à inspirer la bonté ; ils seront fructueux quand ils s’adressent à des jeunes gens d’un caractère noble et libéral, mais ils sont bien incapables de conduire le vulgaire à la vertu. La morale est donc bien un enseignement, mais un enseignement aristocratique ; ce p.240 n’est pas une prédication pour la foule, mais une invite à la réflexion pour les mieux doués ; aux autres suffiront l’habitude et la crainte du châtiment [351]. Et même il semble que la vertu ne puisse se développer pleinement que dans les classes aisées ; « il est impossible ou bien difficile à un indigent de faire de belles actions ; car il est bien des choses qu’on ne fait qu’en se servant comme instruments, des amis, de la richesse, du pouvoir politique » ; un homme très laid, de basse naissance, solitaire et sans enfants ne saurait atteindre le bonheur parfait. Des vertus aussi précieuses que le courage, la libéralité, la politesse, la justice ne peuvent s’exercer qu’à un certain niveau social ; « un pauvre ne peut être magnifique ; car il n’a pas de quoi dépenser convenablement ; s’il l’essaye, c’est un sot [352] ».
    Cette éthique est celle d’une bourgeoisie aisée et décidée à profiter sagement de ses avantages sociaux ; on n’y sent ni le souffle populaire d’un éveilleur de consciences, comme Socrate, ni la certitude qui animait Platon. Mais elle est en pleine harmonie avec le reste de la philosophie : en éthique, comme partout, il s’agit de définir une fin, puis de déterminer les moyens propres à atteindre cette fin. Mais c’est une fin pratique et humaine, c’est-à-dire qui doit être accessible à l’homme par des actions ; pour la connaître, il faudra donc se servir de l’observation et de l’induction, c’est-à-dire chercher en vue de quoi, en fait, agissent les hommes ; or, il n’est pas

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