Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
multitude, les marchands aux consommateurs ; ce fut alors tout le contraire. L’agiotage remplaça le maximum , et les dénonciateurs de la classe moyenne renchérirent sur les dénonciateurs populaires. Tous ceux qui avaient participé au gouvernement dictatorial furent poursuivis avec le dernier acharnement. Les sections, qui étaient le siège de la bourgeoisie, demandaient le désarmement et la punition des membres de leurs comités révolutionnaires, composés de Sans-culottes. Il y eut un cri général de haro contre les terroristes, dont on étendit chaque jour la classe. Les départements dénonçaient tous les anciens proconsuls, et l’on désespéra ainsi un parti nombreux, qui n’était plus à craindre, puisqu’il n’avait plus de pouvoir, en le menaçant de vastes et d’éternelles représailles.
La crainte de la proscription et plusieurs autres causes le disposèrent à la révolte. La disette était affreuse, la saison avait été mauvaise ; le travail et ses produits étaient diminués depuis l’époque révolutionnaire, pendant laquelle les classes riches avaient été emprisonnées, et les classes pauvres avaient administré ; la suppression du maximum avait occasionné une crise violente, dont profitaient les marchands et les fermiers, pour exercer un agiotage et un monopole désastreux. Pour surcroît de difficultés, les assignats étaient en discrédit, et leur valeur tombait chaque jour : on en avait émis pour plus de huit milliards. Le peu de sûreté de leur gage, à cause des confiscations révolutionnaires qui avaient déprécié les biens nationaux, et qu’on savait devoir être retirées de la masse hypothécaire ; le défaut de confiance des bourgeois, des marchands, etc., dans la durée du gouvernement républicain, qu’ils regardaient comme provisoire ; tout cela avait fait descendre les assignats à une valeur réelle quinze fois au-dessous de leur valeur nominale. On les recevait difficilement, et le numéraire était d’autant plus soigneusement enfoui, qu’il était plus recherché, et le papier-monnaie plus déchu. Le peuple, manquant de vivres, n’ayant pas même, avec des assignats, le moyen d’en acheter, se trouvait dans la détresse ; il l’attribuait aux marchands, aux fermiers, aux propriétaires, au gouvernement, et il ne se souvenait pas sans regret que naguère il avait du pain et le pouvoir, sous le comité de salut public. La convention avait bien nommé un comité de subsistances pour approvisionner Paris. Mais ce comité faisait entrer au jour le jour, avec beaucoup de peine et à grands frais, les quinze cents sacs de farine nécessaires pour nourrir cette immense ville, et le peuple, qui attendait en troupes, pendant des demi-journées, à la porte des boulangers, la livre de mauvais pain qui était distribuée à chaque habitant, faisait entendre des plaintes et de violents murmures ; il appelait Boissy d’Anglas, président du comité des subsistances, Boissy-Famine . Tel était l’état d’une multitude exaspérée et fanatique, au moment où l’on jugea ses anciens chefs.
Le 12 ventose, peu de temps après la rentrée des derniers Girondins, l’assemblée avait décrété d’arrestation Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois, Barrère et Vadier. Leur procès, devant la convention, devait commencer le 3 germinal. Le 1 er qui était jour de décade et d’assemblée de sections, leurs partisans préparèrent une émeute pour les empêcher d’être mis en cause : les sections extérieures des deux faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau leur étaient dévouées. C’est de là que, moitié pétitionnaires, moitié factieux, ils partirent pour se rendre à la convention ; ils demandèrent du pain, la constitution de 93 et la liberté des patriotes détenus. Quelques jeunes gens furent rencontrés par eux, et ils les jetèrent dans les bassins des Tuileries. Mais la nouvelle se répandit bientôt que la convention était exposée, que les Jacobins voulaient délivrer leurs chefs, et la troupe dorée, suivie d’environ cinq mille citoyens des sections intérieures, vint disperser les hommes des faubourgs, et servir de garde à l’assemblée. Celle-ci, instruite par ce nouveau danger, rétablit, sur la proposition de Sièyes, l’ancienne loi martiale, sous le nom de loi de grande police.
L’émeute en faveur des prévenus n’ayant pas réussi, ils furent traduits, le 3 germinal, devant la convention. Vadier
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