Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
seul était contumace. Leur conduite fut examinée avec la plus grande solennité : on leur reprocha d’avoir tyrannisé le peuple et opprimé la convention. Quoique les preuves ne manquassent pas à l’accusation, les prévenus se défendirent avec beaucoup d’adresse ; ils rejetèrent sur Robespierre l’oppression de l’assemblée et la leur propre ; ils s’excusèrent des mesures prises par le comité, et adoptées par la convention, sur l’exaltation du temps, sur la défense de la république et la nécessité du salut. Leurs anciens collègues portèrent témoignage en leur faveur, et voulurent faire cause commune avec eux. Les Crétois (c’est ainsi qu’on appelait alors les débris de la Montagne) les soutinrent vivement aussi. Il y avait neuf jours qu’on instruisait leur procès, et que chaque séance était consacrée à les accuser et à les entendre. Les sections des faubourgs étaient très-agitées. Les rassemblements, qui duraient depuis le 1 er germinal, se multiplièrent le 12, et il y eut une nouvelle émeute pour suspendre le jugement, que la première n’avait pas pu prévenir. Les agitateurs, plus nombreux, plus hardis cette fois, forcèrent la garde de la convention, et pénétrèrent dans son enceinte, portant, écrits sur leurs chapeaux avec de la craie, ces mots ; Du pain, la constitution de 93, la liberté des patriotes. Un grand nombre des députés de la Crète se déclara en leur faveur ; les autres, consternés, au milieu du tumulte et du désordre de cette invasion populaire, attendirent que les sections intérieures vinssent les délivrer. Il n’y avait plus de délibération. Le tocsin, qu’on avait enlevé à la commune depuis sa défaite, et qui avait été placé sur le sommet des Tuileries, où siégeait la convention, sonnait l’alarme ; le comité faisait battre la générale. Dans peu de temps, les citoyens des sections les plus voisines se réunirent, marchèrent en armes au secours de la convention, et la dégagèrent une seconde fois. Elle condamna à la déportation les prévenus qui servaient de prétexte au soulèvement, et décréta d’arrestation dix-sept membres de la Crète, qui, s’étant montrés favorables aux insurgés, pouvaient être regardés comme leurs complices. Parmi eux étaient Cambon, Ruamps, Léonard Bourdon, Thuriot, Chasles, Amar, et Lecointre, qui, depuis la rentrée des Girondins, était redevenu Montagnard. Le lendemain, les déportés et les détenus furent conduits au château de Ham.
La journée du 12 germinal ne décida rien. Les faubourgs avaient été repoussés sans avoir été vaincus, et pour qu’un parti finisse entièrement, il faut qu’une défaite décisive lui enlève le reste de ses forces et de sa confiance. Après tant de questions résolues contre les démocrates, il en restait une de la dernière importance, celle de la constitution. C’était de là que dépendait l’ascendant de la multitude, ou de la bourgeoisie. Les défenseurs du gouvernement révolutionnaire se replièrent alors sur la constitution démocratique de 93 qui leur offrait le moyen de reprendre l’autorité qu’ils avaient perdue. Leurs adversaires, de leur côté, tentèrent de la remplacer par une constitution qui assurât leurs avantages, en concentrant un peu plus le gouvernement et en le plaçant dans la classe moyenne. De part et d’autre, pendant un mois, les deux partis se disposèrent à combattre sur ce dernier champ de bataille. La constitution de 1793 ayant été sanctionnée par le peuple, avait un grand préjugé en sa faveur. Aussi l’attaqua-t-on avec des précautions infinies. On promit d’abord de l’exécuter sans restriction ; on nomma ensuite une commission de onze membres, afin de préparer les lois organiques, qui devaient la rendre praticable ; plus tard on hasarda des objections contre elle, parce qu’elle dispersait les pouvoirs et, ne reconnaissait qu’une seule assemblée dépendante du peuple, jusque dans ses mesures de législation. Enfin une députation sectionnaire alla jusqu’à appeler la constitution de 93, une constitution décemvirale dictée par la terreur. Tous ses partisans, indignés et remplis de craintes, organisèrent un soulèvement pour la maintenir. Ce fut un nouveau 31 mai, aussi terrible que l’autre, mais qui n’ayant pas l’appui d’une commune toute-puissante, qui n’étant pas dirigé par un commandant général, qui ne rencontrant pas une convention
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