Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
; sa conduite à l’égard des conspirations, des armées et de l’Europe. La minorité anti-conventionnelle avait formé une opposition dans leur sein ; mais cette opposition avait combattu avec réserve la politique du directoire, en attendant d’être renforcée par un nouveau tiers. À sa tête étaient Barbé-Marbois, Pastoret, Vaublanc, Dumas, Portalis, Siméon, Tronçon-Ducoudray, Dupont de Nemours, la plupart membres de la droite, sous la législative, et quelques uns royalistes avoués. Leur position devint bientôt moins équivoque et plus agressive, par le renfort des élus de l’an V.
Les royalistes formaient une confédération redoutable, active, qui avait ses chefs, ses agents, ses listes, ses journaux. Ils écartèrent des élections les républicains, entraînèrent la masse, qui suit le parti le plus énergique, et dont ils prirent momentanément la bannière. Ils ne voulurent pas même admettre des patriotes de la première époque, et n’élurent que des contre-révolutionnaires décidés ou des constitutionnels équivoques. Le parti républicain fut alors placé dans le gouvernement et dans l’armée ; le parti royaliste, dans les assemblées électorales et dans les conseils.
Le 1 er prairial an V, les conseils se constituèrent. Dès leur début, ils firent connaître l’esprit qui les animait, Pichegru, que les royalistes transportèrent sur le nouveau champ de bataille de la contre-révolution, fut élu avec enthousiasme président du conseil des jeunes ; Barbé-Marbois obtint avec le même empressement la présidence des anciens. Le corps législatif procéda enfin à la nomination d’un directeur, pour remplacer Letourneur, qui, le 3o floréal, avait été désigné par le scrutin comme membre sortant. Son choix tomba sur Barthélemy, ambassadeur en Suisse, qui, en sa qualité de royaliste et de partisan de la paix, convenait aux conseils et à l’Europe ; mais que son éloignement de la France, pendant toute la révolution, rendait peu propre au gouvernement de la république.
Ces premières hostilités contre le directoire et le parti conventionnel furent suivies d’attaques plus réelles. On poursuivit sans ménagement son administration et sa politique. Le directoire avait fait tout ce qu’il avait pu avec un gouvernement légal, dans une situation encore révolutionnaire. On lui reprocha la continuation de la guerre et le désordre des finances. La majorité législative s’empara avec adresse des besoins publics : elle soutint la liberté indéfinie de la presse, qui permettait aux journalistes d’attaquer le directoire, et de préparer à un autre régime ; la paix, qui opérait le désarmement de la république ; enfin, l’économie.
Ces demandes avaient leur côté utile et national. La France, fatiguée, éprouvait le besoin de toutes ces choses pour compléter la restauration sociale : aussi était-elle de moitié dans le vœu des royalistes, mais par de tout autres motifs. Elle vit avec un peu plus d’inquiétude les mesures des conseils, relativement aux prêtres et aux émigrés. On désirait une pacification ; mais on ne voulait pas que les vaincus de la révolution rentrassent en triomphateurs. Les conseils mirent une extrême précipitation dans les lois de grâce à leur égard. Ils abolirent justement la déportation ou l’emprisonnement contre les prêtres pour cause de religion ou d’incivisme ; mais ils voulurent restaurer les anciennes prérogatives de leur culte ; rendre le catholicisme, qui était rétabli, extérieur par l’usage des cloches, et soustraire les prêtres au serment des fonctionnaires publics. Camille Jordan, jeune député lyonnais, plein d’éloquence, de courage, mais professant des opinions intempestives, fut le principal panégyriste du clergé, dans le conseil des jeunes. Le discours qu’il prononça à ce sujet excita une grande surprise et de violentes oppositions. Ce qui restait d’enthousiasme était encore tout patriotique, et l’on fut étonné de voir renaître un autre enthousiasme, celui de la religion : le dernier siècle et la révolution en avaient entièrement déshabitué, et empêchaient de le comprendre. Ce moment était celui où l’ancien parti refaisait ses croyances, introduisait son langage, et les mêlait aux croyances et au langage du parti réformateur, qui jusque là avaient dominé seuls. Il en résulta, comme il arrive pour ce qui est inattendu, une
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