Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
vœu qui eût introduit l’ennemi dans le gouvernement, Rewbell, Laréveillère et Barras destituèrent les ministres protégés par les conseils et conservèrent les autres. Bénésech fut remplacé par François de Neufchâteau ; Pétiet par Hoche, et bientôt par Shérer ; Cochon de l’Apparent par Lenoir-Laroche ; et Lenoir-Laroche, trop peu décidé, par Sotin. Talleyrand fit également partie de ce ministère. Il avait été rayé de la liste des émigrés depuis la fin de la session conventionnelle, comme révolutionnaire de 1791 ; et son immense perspicacité qui le plaça toujours dans le parti qui avait les plus grandes promesses de victoire, le rendit à cette époque républicain directorial. Il eut le portefeuille de Lacroix, et il contribua beaucoup, par ses conseils et par sa hardiesse, aux événements de fructidor.
La guerre parut alors de plus en plus inévitable. Le directoire ne voulait pas d’un accommodement qui eût ajourné tout au plus sa ruine et celle de la république aux élections de l’an VI. Il fit venir contre les conseils des adresses foudroyantes des armées. Augereau apporta celles de l’armée d’Italie. « Tremblez, royalistes ! disaient les soldats ; de l’Adige à la Seine, il n’y a qu’un pas. Tremblez ! vos iniquités sont comptées , et le prix en est au bout de nos baïonnettes ! – C’est avec indignation, disait l’état-major ; que nous avons vu les intrigues du royalisme , vouloir menacer la liberté. Nous avons juré, par les mânes des héros morts, pour la patrie, guerre implacable à la royauté et aux royalistes. Tels sont nos sentiments , tels sont les vôtres ; tels sont ceux des patriotes. Qu’ils se montrent les royalistes, et ils auront vécu ! » Les conseils s’élevèrent, mais inutilement, contre ces délibérations de l’armée. Le général Richepanse qui commandait les troupes venues de Sambre-et-Meuse, les posta à Versailles, à Meudon, à Vincennes.
Les conseils avaient été assaillants en prairial ; mais comme le succès de leur cause pouvait être renvoyé en l’an VI, époque où il aurait lieu sans risque et sans combat, ils gardaient la défensive depuis thermidor (juillet 1797). Cependant ils firent alors toutes leurs dispositions pour le combat ; ils ordonnèrent que les cercles constitutionnels seraient fermés, afin de se délivrer du club de Salm ; ils augmentèrent aussi les pouvoirs de la co mmission des inspecteurs de la salle, qui devint le gouvernement du corps législatif, et dont firent partie les deux conspirateurs royalistes Willot et Pichegru. La garde des conseils, qui était subordonnée au directoire, fut mise sous les ordres immédiats des inspecteurs de la salle. Enfin, le 17 fructidor, le corps législatif songea à se donner l’assistance de la milice de vendémiaire, et il décréta, sur la proposition de Pichegru, la formation de la garde nationale. Le lendemain 18, cette mesure devait s’exécuter, et les conseils devaient, par un décret, ordonner l’éloignement des troupes. Au point où l’on en était venu, il fallait que la grande lutte de la révolution et de l’ancien régime se décidât de nouveau par une victoire. Le fougueux général Willot voulait qu’on prît l’initiative, qu’on décrétât d’accusation les trois directeurs Barras, Rewbell, Laréveillère ; qu’on fît venir les deux autres dans le sein du corps législatif ; que si le gouvernement refusait d’obéir, on sonnât le tocsin et qu’on marchât avec les anciens sectionnaires contre le directoire ; que Pichegru fût mis à la tête de cette insurrection légale, et qu’on prît toutes ces mesures, vite, hardiment, et en plein jour. On dit que Pichegru hésita ; et l’avis des hommes indécis l’emportant, on suivit la marche lente des préparatifs légaux.
Il n’en fut pas de même du directoire. Barras, Rewbell et Laréveillère résolurent d’atteindre sur-le-champ Carnot, Barthélemy et la majorité législative. Le matin du 18 fut fixé pour l’exécution du coup d’état. Dans la nuit, les troupes cantonnées autour de Paris entrèrent dans la ville sous le commandement d’Augereau. Le projet du triumvirat directorial était de faire occuper les Tuileries par les troupes, avant la réunion du corps législatif, afin d’éviter une expulsion violente ; de convoquer les conseils dans le voisinage du Luxembourg, après avoir arrêté leurs
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