Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
principaux meneurs, et d’accomplir par une mesure législative un coup d’état, commencé par la force. Il était d’accord avec la minorité des conseils, et il comptait sur l’approbation de la masse. À une heure du matin, les troupes arrivèrent à l’Hôtel-de-Ville, se prolongèrent sur les quais, sur les ponts, aux Champs-Élysées, et bientôt douze mille hommes et quarante pièces de canon cernèrent les Tuileries. À quatre heures, le canon d’alarme fut tiré, et le général Augereau se présenta à la grille du Pont-Tournant.
La garde du corps législatif était sous les armes, Les inspecteurs de la salle, avertis le soir du mouvement qui se préparait, s’étaient rendus, au Palais-National (les Tuileries) pour en défendre l’entrée. Le commandant de la garde législative, Ramel, était dévoué aux conseils, et il avait placé ses huit cents grenadiers aux diverses avenues du jardin, fermé par des grilles. Mais ce n’était point avec des forces si faibles et si peu sûres que Pichegru, Willot et Ramel pouvaient opposer quelque résistance au directoire. Augereau n’eut pas même besoin de forcer le passage du Pont-Tournant ; à peine en présence des grenadiers, il leur cria : Êtes-vous républicains ? Ceux-ci baissèrent les armes, répondirent : Vive Augereau ! viv e le directoire ! et se joignirent à lui. Augereau traversa le jardin, pénétra dans la salle des conseils, arrêta Pichegru, Willot, Ramel, tous les inspecteurs de la salle, et les fit conduire au Temple. Les membres des conseils, convoqués à la hâte par les inspecteurs, se rendaient en foule dans le lieu de leurs séances, mais ils furent arrêtés ou éconduits par la force armée. Augereau leur annonça que le directoire, pressé par le besoin de défendre la république contre des conspirateurs siégeant au milieu d’eux, avait indiqué pour lieu de réunion aux conseils l’ Odéon et l’ École de Médecine. La plupart des députés présents s’élevèrent contre la violence militaire et contre l’usurpation directoriale ; mais ils furent contraints de céder.
À six heures du matin, l’expédition était terminée. Les Parisiens, en s’éveillant, trouvèrent les troupes encore sous les armes, et les murs placardés de proclamations, qui annonçaient la découverte d’une redoutable conspiration. On invitait le peuple à l’ordre et à la confiance. Le directoire avait fait imprimer une lettre du général Moreau, par laquelle il lui annonçait avec détails les complots de son prédécesseur Pichegru avec l’émigration, et une autre lettre du prince de Condé à Imbert-Colomés, membre des anciens. La population entière resta calme. Simple spectatrice d’une journée qui se fit sans la coopération des partis, et par l’assistance, seule de l’armée, elle ne montra ni approbation, ni regret.
Le directoire avait besoin de légitimer et surtout d’achever cet acte extraordinaire. Dès que les membres des cinq-cents et ceux des anciens furent assemblés à l’Odéon et à l’École de Médecine, et qu’ils se trouvèrent en nombre suffisant pour délibérer, ils se mirent en permanence. Un message du directoire leur annonça les motifs qui l’avaient dirigé dans toutes ses mesures : « Citoyens législateurs, disait-il, si le directoire eût tardé un jour de plus, la république était livrée à ses ennemis. Le lieu même de vos séances était le point de réunion des conjurés : c’était de là qu’ils distribuaient hier leurs cartes et les bons pour la délivrance des armes ; c’est de là qu’ils correspondaient, cette nuit, avec leurs complices ; c’est de là enfin, ou dans les environs, qu’ils essaient encore des rassemblements clandestins et séditieux, qu’en ce moment même la police s’occupe de dissiper. C’eût été compromettre la sûreté publique et celle des représentants fidèles, que de les laisser confondus avec les ennemis de la patrie, dans l’antre des conspirations. » Le conseil des jeunes nomma une commission, composée de Sièyes, Poulain-Grandpré, Villers, Chazal et Boulay de la Meurthe, chargée de présenter une loi de salut public. Cette loi fut une mesure d’ostracisme. Seulement la déportation succéda à l’échafaud, dans cette seconde période révolutionnaire et dictatoriale.
Les membres du conseil des cinq-cents condamnés à la déportation furent : Aubry, J . J. Aimé, Bayard, Blain,
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