Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
Bonaparte culbuta le centre ennemi et pénétra dans le Piémont : à Millesimo, il sépara définitivement l’armée sarde de l’armée autrichienne ; elles coururent défendre Turin et Milan, capitales de leur domination. Avant de poursuivre les Autrichiens, le général républicain se jeta sur la gauche pour en finir avec l’armée sarde ; à Mondovi, le sort du Piémont fut décidé, et la cour de Turin épouvantée se hâta de se soumettre. On conclut à Chérasque un armistice qui fut bientôt suivi de la paix entre le roi de Sardaigne et la république. L’occupation d’Alexandrie, qui ouvre le pays lombard ; la démolition des forteresses de Suze et de la Brunette sur les revers de la France ; l’abandon du comté de Nice, de la Savoie ; la disponibilité de l’autre armée des Alpes, sous Kellermann, furent le prix de quinze jours de campagne et de six victoires.
La guerre finie avec le Piémont, Bonaparte marcha contre l’armée autrichienne, à laquelle il ne laissa plus de relâche. Il passa le Pô à Plaisance et l’Adda à Lodi. Cette dernière victoire lui ouvrit les portes de Milan et lui valut la possession de la Lombardie. Le général Beaulieu fut poussé dans les gorges du Tyrol par l’armée républicaine qui investit Mantoue, et parut sur les montagnes de l’empire. Le général Wurmser vint alors remplacer Beaulieu, et une nouvelle armée se joignit aux débris de l’armée vaincue. Wurmser s’avança pour délivrer Mantoue et reporter en Italie le champ de bataille ; mais il fut écrasé comme son prédécesseur par Bonaparte qui, après avoir levé le blocus de Mantoue afin de s’opposer à ce nouvel ennemi, le recommença avec plus de vigueur et reprit ses positions du Tyrol. Le plan d’invasion s’exécutait avec beaucoup d’accord et de succès. Tandis que l’armée d’Italie menaçait l’Autriche par le Tyrol, les deux armées de la Meuse et du Rhin s’avançaient dans l’Allemagne ; Moreau, appuyé sur Jourdan par sa gauche, était près de joindre Bonaparte par sa droite. Ces deux armées avaient passé le Rhin à Newied et à Strasbourg, et elles s’étaient avancées sur un front échelonné de soixante lieues, en repoussant l’ennemi qui, tout en reculant devant elles, essayait d’arrêter leur marche et d’entamer leur ligne. Elles avaient presque atteint le but de leur entreprise, Moreau était entré dans Ulm, dans Ausbourg, avait passé le Leck, et son avant-garde touchait au derrière des gorges du Tyrol, lorsque Jourdan, qui était en mésintelligence avec lui, dépassa la ligne, fut entamé par l’archiduc Charles, et se mit en pleine retraite. Moreau, découvert sur son flanc gauche, fut réduit à revenir sur ses pas, et c’est alors qu’il exécuta sa mémorable retraite. La faute de Jourdan fut capitale : elle empêcha l’accomplissement de ce vaste plan de campagne, et donna du répit à la monarchie autrichienne.
Le cabinet de Vienne, qui avait perdu la Belgique dans cette guerre, et qui sentait l’importance de la conservation de l’Italie, la défendit avec la dernière obstination. Wurmser, après une nouvelle défaite, fut forcé de se jeter dans Mantoue avec les débris de son armée. Le général Alvinzi, à la tête de cinquante mille Hongrois, vint essayer encore la fortune, et ne fut pas plus heureux que Beaulieu et que Wurmser. De nouvelles victoires ajoutèrent aux prodiges déjà opérés par l’armée d’Italie, et assurèrent sa conquête. Mantoue capitula ; et les troupes républicaines, maîtresses de l’Italie, prirent à travers les montagnes la route de Vienne. Bonaparte avait en tête le prince Charles, dernier espoir de l’Autriche. Il franchit bientôt les défilés du Tyrol, et déboucha dans les plaines de l’Allemagne. Sur ces entrefaites, les deux armées, du Rhin, sous Moreau, et de la Meuse, sous Hoche, reprirent avec succès le plan de la campagne précédente, et le cabinet de Vienne alarmé conclut l’armistice de Léoben. Il avait usé toutes ses forces, essayé tous ses généraux, tandis que la république française était dans toute sa vigueur conquérante.
L’armée d’Italie accomplit en Europe l’œuvre de la révolution française. Cette campagne prodigieuse fut due à la rencontre d’un général de génie, et d’une armée intelligente. Bonaparte eut pour lieutenants des généraux capables de commander eux-mêmes, qui surent prendre sur eux la
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