Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
représentants, sans laquelle vous ne pouvez faire exécuter les lois. Déjà, je le sais, grâce à la constitution, il existe dans le directoire une majorité qui jouit de la confiance du peuple et de celle de la représentation nationale. Qu’attendez-vous pour mettre l’unanimité de vœux et de principes entre les deux premières autorités de la république ? Vous n’avez plus même la confiance de ces vils flatteurs qui ont creusé votre tombeau politique. Terminez votre carrière par un acte de dévouement, que le bon cœur des républicains saura seul apprécier. »
Merlin et La Réveillère, privés de l’appui du gouvernement par la sortie de Rewbel, la destitution de Treilhard et l’abandon de Barras, pressés par l’exigence des conseils, et par des motifs patriotiques, cédèrent aux circonstances, et se démirent de l’autorité directoriale. Cette victoire, que remportèrent les républicains et les modérés réunis, tourna au profit des uns et des autres, Les premiers introduisirent le général Moulins dans le directoire ; les seconds y firent entrer Roger Ducos. La journée du 3o prairial, qui désorganisa l’ancien gouvernement de l’an III, fut de la part des conseils la revanche du 18 fructidor et du 22 floréal contre le directoire. À cette époque, les deux grands pouvoirs de l’état avaient violé, chacun à son tour, la constitution : le directoire, en décimant la législature ; la législature, en expulsant le directoire. Il n’était guère possible que cette forme de gouvernement, dont tous les partis avaient à se plaindre, eût une existence prolongée.
Après le succès du 3o prairial, Sièyes travailla à détruire ce qui restait encore du gouvernement de l’an III, afin de rétablir sur un autre plan le régime légal. C’était un homme d’humeur et de système, mais qui avait un sentiment sûr des situations. Il rentrait dans la révolution à une époque singulière, avec le dessein de la fermer par une constitution définitive. Après avoir coopéré aux principaux changements de 1789, par sa motion du 17 juin, qui transforma les états-généraux en assemblée nationale, et par son plan d’organisation intérieure, qui substitua les départements aux provinces, il était demeuré passif et silencieux durant toute la période intermédiaire. Il avait attendu que le temps de la défense publique fît de nouveau place à celui de l’institution. Nommé, sous le directoire, à l’ambassade de Berlin, on lui attribuait le maintien de la neutralité de la Prusse. À son retour, il accepta les fonctions, jusque-là refusées, de directeur, parce que Rewbel sortit du gouvernement, et qu’il crut les partis assez fatigués pour entreprendre la pacification définitive et l’établissement de la liberté. C’est dans ce but qu’il s’appuya, au directoire, sur Roger-Ducos ; dans la législature, sur le conseil des anciens ; au-dehors, sur la masse des hommes modérés et sur la classe moyenne, qui, après avoir voulu des lois comme une nouveauté, voulait du repos comme une nouveauté aussi. Ce parti cherchait un gouvernement fort et rassurant, qui n’eut ni passé, ni inimitiés, et qui pût dès-lors satisfaire toutes les opinions et tous les intérêts. Comme ce qui s’était fait depuis le 14 juillet jusqu’au 9 thermidor par le peuple, de complicité avec une partie du gouvernement, se faisait depuis le 13 vendémiaire par les soldats, Sièyes avait besoin d’un général ; il jeta les yeux sur Joubert, qui fut mis à la tête de l’armée des Alpes, afin qu’il gagnât, par des victoires et par la libération de l’Italie, une grande importance politique.
Cependant la constitution de l’an III était encore soutenue par les deux directeurs Gohier et Moulins, par le conseil des cinq-cents, et au dehors par le parti du Manège. Les républicains prononcés s’étaient réunis en club dans cette salle où avait siégé la première de nos assemblées. Le nouveau club formé des débris de celui de Salm, avant le 18 fructidor ; de celui du Panthéon, au commencement du directoire ; et de l’ancienne Société des Jacobins, professait avec exaltation les principes républicains, mais non les opinions démocratiques de la classe inférieure. Chacun des deux partis occupait aussi le ministère qui avait été renouvelé en même temps que le directoire. Cambacérès avait la justice ; Quinette, l’intérieur ;
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