Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
Reinhard placé là momentanément pendant l’interrègne ministériel de Talleyrand, les relations extérieures ; Robert-Lindet, les finances ; Bourdon (de Vatry), la marine ; Bernadette, la guerre ; Bourguignon, bientôt remplacé par Fouché (de Nantes), la police.
Cette fois, Barras était neutre entre les deux moitiés de la législature, du directoire et du ministère. Voyant que les choses allaient à un changement plus considérable que celui du 3o prairial, il crut que le dépérissement de la république entraînerait la restauration des Bourbons, et il traita avec le prétendant Louis XVIII. Il paraît qu’en négociant le rétablissement de la monarchie par son agent David Monnier, il ne s’oublia pas lui-même. Barras ne tenait à rien avec conviction, et se déclarait toujours pour le parti qui avait les plus grandes chances de victoire. Après avoir été montagnard démocrate, au 31 mai ; montagnard réactionnaire, au 9 thermidor ; directeur révolutionnaire contre les royalistes, au 18 fructidor ; directeur républicain extrême contre ses anciens collègues, au 30 prairial, il devenait aujourd’hui directeur royaliste contre le gouvernement de l’an III.
La faction déconcertée par le 18 fructidor et la paix du continent, avait aussi repris courage. Les succès militaires de la nouvelle coalition, la loi de l’emprunt forcé, et celle des otages, qui forçait chaque famille d’émigrés de donner des garanties au gouvernement, avaient fait reprendre les armes aux royalistes du midi et de l’ouest. Ils reparaissaient par bandes, qui devenaient de jour en jour plus redoutables, et qui recommençaient la petite, mais désastreuse guerre de la chouanerie. Ils attendaient l’arrivée des Russes, et croyaient à la restauration prochaine de la monarchie. Ce moment était celui d’une nouvelle candidature pour tous les partis. Chacun d’eux aspirait à l’héritage de la constitution agonisante, comme on l’avait vu à la fin de la session conventionnelle. En France, on est averti, par une sorte d’odorat politique, qu’un gouvernement se meurt, et tous les partis vont à la curée.
Heureusement pour la république, la guerre changea de face sur les deux principales frontières du Haut et du Bas-Rhin. Les alliés, après avoir acquis l’Italie, voulurent pénétrer en France, par la Suisse et par la Hollande, mais les généraux Masséna et Brune arrêtèrent leur marche jusque-là victorieuse. Masséna s’avança contre Korsakof et Souvarof. Pendant douze jours de grandes combinaisons et de victoires consécutives, courant tour à tour de Constance à Zurich, il repoussa les efforts des Russes, les força à la retraite, et désorganisa la coalition. Brune battit aussi le duc d’York en Hollande, l’obligea de remonter sur ses vaisseaux, et de renoncer à sa tentative d’invasion. L’armée d’Italie seule fut moins heureuse. Elle perdit son général, Joubert, qui fut tué à la bataille de Novi, en chargeant lui-même les Austro-Russes. Mais cette frontière, qui était fort éloignée du centre des événements, ne fut point entamée malgré la défaite de Novi, et Championnet la défendit habilement. Elle devait être bientôt dépassée par les troupes républicaines, qui, après avoir été un moment battues à chaque reprise d’armes, reprenaient leur supériorité, et recommençaient leurs victoires. L’Europe, en donnant par ses attaques répétées plus d’exercice à la puissance militaire, la rendait chaque fois plus envahissante.
Mais au-dedans rien n’était changé. Les divisions, le mécontentement et le malaise étaient les mêmes. La lutte s’était prononcée davantage entre les républicains modérés et les républicains extrêmes. Sièyes poursuivait ses projets contre ces derniers. Il s’éleva au Champ-de-Mars dans l’anniversaire du 10 août, contre les Jacobins. Lucien Bonaparte, qui avait beaucoup de crédit dans les cinq-cents, par son caractère, ses talents, et l’importance militaire du conquérant de l’Italie et de l’Égypte, fit dans cette assemblée, un tableau effrayant de la terreur, et dit que la France était menacée de son retour. À peu près vers ce temps, Sièyes fit destituer Bernadette, et Fouché ferma, d’accord avec lui, la réunion du Manège. La masse, à laquelle il suffit de présenter le fantôme du passé pour lui inspirer l’épouvante, se rangea du côté des modérés dans la crainte de
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