Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
crainte qu’excita ce droit accordé au roi fut extrême ; on eût dit que le sort de la liberté était attaché à cette décision, et que le veto ramènerait seul à l’ancien régime. La multitude, qui ignore la nature et les limites des pouvoirs, voulait que l’assemblée, en qui elle se confiait, pût tout, et que le roi, dont elle se défiait, ne pût rien : tout instrument laissé à la disposition de la cour paraissait un moyen contre-révolutionnaire. Le Palais-Royal s’agita, des lettres menaçantes furent écrites aux membres de l’assemblée qui, tels que Mounier, s’étaient déclarés pour le veto absolu ; on parla de les destituer comme des représentants infidèles, et de marcher sur Versailles. Le Palais-Royal envoya une députation à l’assemblée et fit demander à la commune de déclarer les députés révocables, et de les rendre en tout temps dépendants des électeurs. La commune fut ferme, repoussa les demandes du Palais-Royal, et prit des mesures pour empêcher les attroupements. La garde nationale la seconda, elle était fort bien disposée, La Fayette avait acquis sa confiance, elle commençait à être organisée, elle portait l’uniforme, elle se formait à la discipline, dont les gardes françaises lui donnaient l’exemple, et elle apprenait de son chef l’amour de l’ordre et le respect pour la loi. Mais la classe moyenne, qui la composait, n’avait pas encore exclusivement pris possession du gouvernement populaire. La multitude enrôlée le 14 juillet n’était pas tout-à-fait éconduite, l’agitation du dehors rendit orageux les débats sur le veto ; une question fort simple acquit par là une très-grande importance, et le ministère voyant combien l’effet d’une décision absolue pourrait être funeste, sentant d’ailleurs, que par le fait le veto illimité et le veto suspensif étaient les mêmes, décida le roi à se réduire à ce dernier et à se désister de l’autre. L’assemblée décréta que le refus de sanction du prince ne pourrait pas se prolonger au-delà de deux législatures, et cette décision satisfît tout le monde.
La cour profita de l’agitation de Paris pour réaliser d’autres projets : depuis quelque temps on agissait sur l’esprit du roi. Il avait d’abord refusé de sanctionner les décrets du 4 août, quoiqu’ils fussent constitutionnels, et qu’il ne pût dès lors que les promulguer. Après les avoir acceptés sur les observations de l’assemblée, il renouvelait les mêmes difficultés, relativement à la déclaration des droits. Le but de la cour était de faire considérer Louis XVI comme opprimé par l’assemblée, et contraint de se soumettre à des mesures qu’il ne voulait pas accepter ; elle supportait impatiemment sa situation, et voulait ressaisir son ancienne autorité. La fuite était le seul moyen, et il fallait la légitimer ; on ne pouvait rien en présence de l’assemblée, et dans le voisinage de Paris. L’autorité royale avait échoué le 23 juin ; l’appareil militaire, le 14juillet ; il ne restait plus que la guerre civile. Comme il était difficile d’y décider le roi, on attendit le dernier moment pour l’entraîner à la fuite, et son incertitude fit manquer le plan. On devait se retirer à Metz auprès de Bouillé, au milieu de son armée, appeler de là autour du monarque la noblesse, les troupes restées fidèles, les parlements ; déclarer l’assemblée et Paris rebelles, les inviter à l’obéissance ou les y forcer ; et si l’on ne rétablissait pas l’ancien régime absolu, se borner au moins à la déclaration du 20 juin. D’un autre côté, si la cour avait intérêt à éloigner le roi de Versailles, les partisans de la révolution avaient intérêt à le conduire à Paris ; il importait aux autres qu’il pût entreprendre quelque chose ; la faction d’Orléans, s’il en existait une, devait faire en sorte de pousser le roi à la fuite en l’intimidant, dans l’espoir que l’assemblée nommerait son chef lieutenant général du royaume ; enfin le peuple, manquant de pain, devait espérer que le séjour du roi à Paris ferait cesser, ou diminuer la disette. Toutes ces causes existant, il ne manquait plus qu’une occasion de soulèvement, la cour la fournit.
Sous le prétexte de se mettre en garde contre les mouvements de Paris, elle appela des troupes à Versailles ; doubla les gardes-du-corps de service, fit venir des dragons
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