Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
concours du pape serait nulle, et que les métropolitains refuseraient l’institution aux évêques nommés selon les formes civiques.
En voulant déjouer cette ligue, l’assemblée la fortifia. Si elle eût abandonné les prêtres dissidents à eux-mêmes, malgré leur désir, ils n’auraient pas trouvé les éléments d’une guerre religieuse. Mais l’assemblée décréta que les ecclésiastiques jureraient d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir la constitution civile du clergé. Le refus de ce serment devait entraîner le remplacement des titulaires à leurs évêchés ou à leurs cures. L’assemblée espéra que le haut clergé, par intérêt, ou le clergé inférieur, par ambition, adhérerait à cette mesure. Les évêques crurent, au contraire, que tous les ecclésiastiques suivraient leur propre exemple, et qu’en refusant de jurer, ils laisseraient l’état sans culte et le peuple sans prêtres. Il n’en arriva selon le vœu ni de l’un ni de l’autre parti. Le plus grand nombre des évêques et des curés de l’assemblée refusa le serment ; mais quelques évêques et beaucoup de curés le prêtèrent. Les titulaires opposants furent destitués, et les électeurs leur nommèrent des remplaçants qui reçurent l’institution canonique des évêques d’Autun et de Lida : mais les ecclésiastiques destitués refusèrent d’abandonner leurs fonctions ; déclarèrent leurs successeurs des intrus ; les sacrements administrés par eux, nuls ; les chrétiens, qui ne craindraient pas de les reconnaître, excommuniés. Ils ne quittèrent point leur diocèse ; ils y firent des mandements, y excitèrent à la désobéissance aux lois ; et c’est ainsi qu’une affaire d’intérêt devint d’abord une affaire de religion, et ensuite une affaire de parti. Il y eut deux clergés, l’un constitutionnel, l’autre réfractaire ; ils eurent chacun leurs sectateurs, et se traitèrent de rebelle ou d’hérétique. La religion devint, selon les passions et les intérêts, un instrument ou un obstacle ; et lorsque les prêtres firent des fanatiques, les révolutionnaires firent des incrédules. Le peuple, qui n’avait pas encore atteint ce mal des hautes classes, perdit, dans les villes surtout, la foi de ses pères, à cause de l’imprudence de ceux qui le placèrent entre la révolution et son culte. « Les évêques, dit le marquis de Ferrières, dont on ne suspectera pas le blâme, refusèrent de se prêter à aucun arrangement ; et, par leurs intrigues coupables, fermèrent toute voie de conciliation, sacrifiant la religion catholique à un fol entêtement et à un attachement condamnable à leurs richesses. »
Le peuple était recherché par tous les partis ; on le courtisait comme le souverain de ces temps. Après avoir tenté d’agir sur lui par la religion, on mit en usage un autre moyen tout-puissant alors, celui des clubs. Les clubs étaient, à cette époque, des réunions privées, dans lesquelles on discutait sur les mesures du gouvernement, sur les affaires de l’état et sur les décrets de l’assemblée : leurs délibérations n’avaient aucune autorité, mais elle n’étaient pas sans influence. Le premier club avait dû son origine aux députés bretons , qui s’assemblaient entre eux pour concerter leurs démarches. Lorsque la représentation nationale se transporta de Versailles à Paris, les députés bretons et ceux de l’assemblée qui pensaient comme eux tinrent leurs séances dans l’ancien couvent des Jacobins, qui donna son nom à leur réunion. Elle ne cessa pas d’abord d’être une assemblée préparatoire : mais, comme tout ce qui existe s’étend, le club jacobin ne se contenta pas d’influencer l’assemblée ; il voulut encore agir sur la municipalité et sur la multitude, et il admit comme sociétaires des membres de la commune et de simples citoyens. Son organisation devint plus régulière, son action plus forte ; il fit des affiliations dans les provinces, et il éleva à côté de la puissance légale une autre puissance, qui commença par la conseiller, et finit par la conduire.
Le club des Jacobins, en perdant son premier caractère philosophique et en devenant une assemblée populaire, avait été abandonné par une partie de ses fondateurs. Ceux-ci avaient établi une société sur le plan de l’ancienne, sous le nom de club de 89. Sièyes, Chapelier, La Fayette,
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