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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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le terrestre, etc., prédispose à juger normal qu’à l’Indien corresponde le non-Indien, et, puisqu’il n’y a pas de gémellité parfaite, les uns doivent être forts et les autres faibles. « Ce bipartisme fournit ainsi, peut-être, une explication à la question qu’on se pose : comment se fait-il qu’au moment de la conquête du Nouveau Monde les Indiens se comportèrent comme s’ils attendaient les Blancs, mieux, comme s’ils les reconnaissaient. » A partir du moment où le Démiurge avait créé les Indiens, il fallait que quelque chose de symétrique et de contraire soit créé aussi, ce qui explique que les Aztèques se prosternent devant Cortez et que 20 000 Incas restent paralysés devant 160 Espagnols.
    Comme aujourd’hui, chez certains Indiens du Canada, on ne se plaint pas de l’arrivée ou de la présence des Blancs, mais seulement de ce que les Blancs les ont exclus.
    Étant donné qu’au Mexique comme au Pérou il existait des prophéties qui avaient annoncé cette arrivée d’étrangers envahisseurs, agents d’une catastrophe, la croyance en la divinité des Espagnols disparut assez vite, même si, en son esprit, l’invasion avait un caractère religieux ou même cosmique. Mais c’était bien cette croyance qui rendait compte du comportement des Incas ou des Aztèques. Un incident en témoigne : lorsqu’il approcha de Cuzco, Pizarre intercepta un message envoyé par Callcuchima à Quiz-quiz : il lui faisait porter cette information importante : les Espagnols étaient mortels.
    Ce fut la cruauté des conquérants qui ébranla leurs premières croyances : leur frénésie à la vue de l’or, leur brutalité, leur cruauté dans les combats, leur comportement après la bataille ; la description d’un siège, vu par les Mexicains, en témoigne ; mais surtout leur capacité à infecter et à rendre malades leurs ennemis…
    « Échange de maladies »
    « En ce temps-là, il n’y avait pas de maladies, ni fièvres, ni maladie des os ou de la tête… En ce temps-là, tout était en ordre. Les étrangers ont tout changé quand ils sont arrivés. » De fait, quelque nostalgie que puisse exprimer cette complainte, il semble bien que les maladies du Vieux Monde aient été plus souvent mortelles aux Amériques qu’en Europe. Un missionnaire allemand pouvait même écrire à l’extrême fin du XVII e  siècle que « les Indiens meurent si facilement que la seule vue ou odeur d’un Espagnol les fait passer de vie à trépas » (A. W. Crosby J r , The Columbian Exchange , p. 36-37). Une quinzaine d’épidémies y décimèrent la population au Mexique comme au Pérou. Or, il semblait que les Espagnols n’étaient pas atteints par ces mêmes épidémies. « De rage, certains Indiens injectaient du sang empoisonné dans les galettes qui leur étaient destinées : sans effet notable. » Le même phénomène s’observait aussi bien en Floride, où Thomas Hariot notait que les Indiens mouraient après leur passage, qu’en Nouvelle-Angleterre ou au Canada français : les Européens apportaient la rougeole, la grippe et la variole, le typhus aussi, mais ils y étaient moins vulnérables. On a même pu se demander si les Arawaks des Grandes Antilles n’ont pas disparu à cause de ces maladies autant qu’à la suite des massacres commis lors de l’arrivée des Espagnols ; à moins que les mauvais traitements ne les aient aussi rendus plus vulnérables à la maladie. Mais l’argument ne vaut guère au Mexique où la variole vint à bout aussi bien des humbles que des princes aztèques, tout comme au Pérou d’un grand nombre de chefs militaires.
    Plus que la maladie elle-même, ce fut l’invulnérabilité du vainqueur qui frappa les imaginations. Les dieux avaient donné aux Espagnols « un autre bouclier que celui qu’ils portaient… Ils étaient venus avec ces navires, ces chevaux et, manifestement, ils étaient bien ces hommes qui ne pouvaient pas mourir »… Alors que les Mayas, par exemple, étaient voués à la mort… « cette puanteur que guettent les vautours ». Ils étaient nés pour mourir ( Annales de Cakchikels , in Crosby).
    Inversement, à peine était-il de retour des Amériques que Martin Alonzo Pinzon, un des compagnons de Christophe Colomb, mourait de la syphilis ; et, par Séville et l’Italie — « le mal de Naples » —, la maladie se répandit dans toute l’Europe, généralement mortelle jusque vers 1526, puis ses effets

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