Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
n’avait pu les intercepter. Mais les envahisseurs avaient sous-estimé la volonté de défense des habitants de la capitale. Ce furent les milices créoles, animées par Saavedra, qui chassèrent les Anglais. Ainsi, l’Espagne avait été humiliée, et c’était les habitants de la Plata qui avaient assuré la défense de leur colonie. Tâtant du pouvoir, découvrant leurs forces, ils ne l’oublièrent plus.
Au Mexique, la situation fut différente. Lors de la faillite de la monarchie espagnole de 1808 à 1815, le premier mouvement d’indépendance partit de l’initiative d’un petit curé déclassé, d’origine créole, certes, mais tout proche des Indiens. Autant que d’un mouvement anti-espagnol, il s’est agi d’une sorte de révolution sociale, ethnique aussi, mais floue — encore qu’il ne faille pas faire du prêtre Hidalgo, puis de l’abbé Morelos, des ancêtres de Zapata : le premier avait appelé à l’insurrection pour « le roi, la religion, la Vierge indienne de Guadalupe et contre les Espagnols », le second dresse contre lui ces Espagnols, mais aussi les créoles et le clergé dont il veut répartir les terres. Le premier est exécuté en 1811, le second en 1815.
Lorsque, en Espagne, éclatent des mouvements libéraux qui peuvent menacer l’hégémonisme des colons, ceux-ci réagissent et se mettent tout normalement derrière un officier créole, Augustin de Iturbide, qui avait écrasé Morelos ; il proclame le plan d’Iguala, dit des Trois Garanties — indépendance, unité dans la foi catholique, égalité entre peninsulares et créoles. Il s’agissait bien d’un mouvement d’indépendance-colon.
De fait, il avait pour objectif latent de contenir la remontée en puissance de la communauté indienne. Au Mexique, en effet, ne s’applique pas partout (cf. W.B. Taylor, Landlord and Peasant in Colonial Oaxaca) le schéma colonial de l’hacienda, fief immense et improductifappartenant à de grandes familles, faisant travailler des péons tenus par leurs dettes, et dominant les villages indiens dépouillés de leurs bonnes terres et réfugiés sur les hauteurs. Il est des régions, par exemple l’évêché de Oaxaca, dans le sud du pays, où la majorité des communautés indiennes a conservé son intégrité : l’aristocratie a perdu son pouvoir politique, certes, mais a pu accroître ses terres, et les villages eux-mêmes ont su défendre leurs droits. En 1800, la propriété indienne couvre les deux tiers des terres cultivées dans les vallées. Quant à la propriété créole, bien différenciée, elle est petite et dispersée, instable (les 8 haciendas principales changent 89 fois de propriétaires à l’époque coloniale), alors que le clergé se taille la part du lion, les dominicains notamment, qui contrôlent les hypothèques et la vie financière de la région. Ici, la puissance n’appartient pas à ceux qui possèdent la terre, mais aux commerçants et au pouvoir politique.
Plus qu’ailleurs, ici, la révolution de 1821 a pour objet de rétablir le respect oublié par les Indiens. A lire Brian R. Hamnett, on comprend que la deuxième indépendance fut bien une réaction.
Dans une certaine mesure, l’indépendance des pays d’Amérique indienne ouvrait la voie à un nouvel ordre colonial, qui met bientôt ces pays sous l’empire économique de nouvelles métropoles, États-Unis et Grande-Bretagne. L’endettement des nouveaux États formés préfigure le néo-colonialisme du XX e siècle. Le cas du Brésil est voisin, même si l’indépendance est associée à des circonstances différentes, mais aussi à une faillite de la monarchie (1822).
On retrouve une situation similaire à celle de l’Amérique espagnole en Angola portugais, où le séparatisme de la minorité blanche dispose d’une certaine vigueur à l’heure de l’indépendance du Brésil, dont l’Angola était, à sa façon, la colonie. Devant l’agitation des assimilados qui menacent leur prépondérance, les colons, souvent des exilés, expriment des velléités de républicanisme et envisagent l’union avec le Brésil. L’instauration de la République, au Portugal, en 1910, ne change rien à la situation, au contraire : car les nouvelles lois contre le travail forcé vont à l’encontre des intérêts des colons. Des hommes forts venus de Lisbonne annoncent alors l’ Estado Novo institué en 1926 qui fait disparaître ces velléités indépendantistes en assurant
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