Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
même des conflits à l’intérieur de ces communautés. Or, ce n’est pas avant les années 1870 qu’une intelligentsia noire commença à émerger et à avoir une vision globale de la situation : elle naquit au sein des missions. La fondation d’une Thembu National Church , par Nehemiah Tile, un wesleyen, en 1884, constitue un point de repère, avant l’activité pionnière de Tengo Jabavu, le premier Noir occidentalisé, qui, d’une certaine façon, fit appel aux devoirs de la Grande-Bretagne face aux excès des colons. Bien des désillusions attendaient ceux qui adoptèrent cette position.
De fait, ni chez les Africains, ni chez les Boers, ni même chez les Anglais où les gens du Cap et ceux de Natal étaient aisément en conflit, il ne régnait la moindre unité de vues ou de comportement. En outre, les différentes communautés n’étaient pas vraiment regroupées, sauf de chaque côté de quelques lignes frontières très segmentaires. Le peuplement présentait plutôt le dispositif d’une peau de léopard.
N’importe quel conflit pouvait ainsi éclater.
Ce fut la pression des colons du Cap qui, à partir de 1877, déclencha une mécanique de conflits qui ne s’est guère interrompue… Elle amena les Xhosa à réagir contre les Noirs acculturés, les Tchembu du Transkei, ce qui entraîna une série de soulèvements en chaîne, qui fit 60 victimes blanches, les noires n’ayant pas été comptabilisées… Mbandzeni, roi des Swazi, justifiait ainsi sa conduite, qui se voulait conciliante : « J’ai des Blancs tout autour de moi. Par la force, ils ont pris des terres et territoires de mes voisins. Si je ne leur donne pas des droits, ici, ils se les attribueront. Alors, je leur donne ces droits quand ils les payent. Pourquoi ne pourrions-nous pas manger avant de mourir ? » Mais d’autres ne réagirent pas ainsi. La contagion des guerres atteignit aussi le Zoulouland, dont le monarque, Cetshwayo, avait cru pouvoir entrer dans le petit jeu des alliances — avec le Natal contre les Boers — et qui est lui-même victime des luttes interfactionnelles ; ildevient une sorte de prince fantoche, reçu à Londres avec les honneurs… Pendant ce temps, les Anglais substituent à cet État 13 petits royaumes qui accentuent la décomposition de l’ancienne monarchie de Chaka.
L’intervention de l’Allemagne et son occupation du Sud-Ouest africain, la menace surtout qu’elle ne s’installe dans la baie de Sainte-Lucie, en 1884, sur la côte est, juste au nord du Natal, en Zoulouland, ne manquèrent pas de compliquer le jeu des rivalités inter-sud-africaines, Londres étant amené à y mettre son nez. Mais, naturellement, ce fut la révolution de l’or et du diamant, en Witwatersrand, combinée avec le résistancialisme de Kruger qui exacerbèrent les appétits, transformant bientôt la région en une arène de rivalités internationales. La production d’or crût de 10 000 livres sterling en 1884 à 8 603 821 livres sterling en 1896 ; les exportations de diamants atteignaient 4 247 000 livres sterling à la même date, celles-ci dépassant toutes les autres, l’or excepté qui, lui, comptait pour 51 % du total des exportations. L’irruption de milliers et de milliers d’immigrants accompagna ce rush : à cette date, en Transvaal, les hommes jeunes venus de l’étranger dépassaient en nombre les autochtones blancs, c’est-à-dire les Boers.
Dans ce contexte, les Blancs souhaitaient plus que jamais créer un ordre colonial favorable à leurs intérêts propres, à eux seuls.
On le vit bien lorsque la British South Africa Cy de Cecil Rhodes se saisit de la région du Zambèze alors que le gouvernement de Londres y était opposé. « Le temps d’une absorption pacifique et graduée de la région est dépassé », écrivait Jameson au frère de Cecil Rhodes. Et, bien que Londres eût condamné les méthodes qui consistaient à susciter des conflits pour avancer, toujours avancer, la BSA progressait, et les Britanniques de Londres hésitaient à prendre la relève d’une occupation qui aurait ruiné le Trésor. Sans approuver la méthode, Lord Milner, haut-commissaire en Afrique du Sud, faisait le diagnostic suivant : Cecil Rhodes travaille pour faire du territoire de la Compagnie une colonie séparée, qui plus tard se gouvernera toute seule… Il voudrait l’unir au Cap et au Natal, ces trois colonies exerçant alors une terrible pressionsur les Républiques boers, afin
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