Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
qu’elles entrent dans une Fédération…
On a surtout retenu le deuxième versant de cette stratégie, à cause des guerres qui ont suivi. Mais le premier versant devait survivre à toutes les péripéties — le national-colonialisme survivant à l’impérialisme britannique, au moins en Rhodésie, sinon dans toute l’Afrique du Sud.
Après la guerre anglo-boer de 1901, le grand souci des Britanniques fut de s’assurer du loyalisme de l’Union sud-africaine, ce membre du Commonwealth qui méritait le plus d’être mis sous surveillance. Mais, par la voix du général Smuts, un Boer d’origine, il ne manqua pas de répondre à l’appel du monarque, en 1914 comme en 1940, bien qu’il ait existé chez les Boers de forts courants proallemands. L’Afrique du Sud n’en résista pas moins aux injonctions de Londres visant à la voir appliquer les étapes en usage dans d’autres dépendances et qui satisfaisaient plus ou moins aux exigences de self-government des peuples de couleur. Ainsi, en 1951, elle dénonça la marche de la Gold Coast (Ghana) vers ce self-government . Quelques années plus tard, plutôt que d’être chassée du Commonwealth, elle imaginait d’en sortir , voire de constituer un gouvernement en exil.
Simultanément, quand l’Afrique du Sud voyait se développer un processus de détachement vis-à-vis de la Grande-Bretagne, un autre se profilait, le séparatisme d’une de ses composantes, la Rhodésie du Sud, dont le national-colonialisme fut à l’origine d’une crise qui faillit amener une rupture, sinon la guerre avec le reste de l’Empire.
Les prémisses s’en étaient manifestées en Rhodésie du Nord, lors des négociations sur la constitution d’une Fédération centre-africaine qui devait regrouper, entre autres, le Nyassaland, la Rhodésie du Nord et celle du Sud. Une manœuvre de Londres pour que les deux Rhodésie se détachent de l’Afrique du Sud. Or, ces années 1960, un grand nombre d’États devenant libres, étaient vraiment les années de l’Afrique ; et les leaders noirs, tel Kenneth Kaunda, avaient décidé de jouer le jeu, pour autant que certaines de leurs exigences seraient satisfaites : à savoir que le statut des Africains de l’ensemble de ce pays àfédérer fût reconsidéré. « Il faut aller de l’avant, froidement et inflexiblement ; c’est la voie de la sagesse dans cette période de bouleversements révolutionnaires », écrivait le Times du 14 février 1961. Il sous-estimait la force du colonialisme dans les deux Rhodésie. Dans sa lettre hebdomadaire à la reine, Harold Macmillan posait que, s’il penchait trop du côté des Européens, la confiance des Africains envers Sa Majesté serait entamée ; il y aurait de sérieux désordres en Rhodésie du Nord, qui feraient tache d’huile en Rhodésie du Sud et en Nyassaland, des ministres démissionneraient ; le gouvernement et le parti seraient divisés. Ils le seraient également si on penchait du côté des Africains, sans les satisfaire pour autant. Les Européens n’auraient plus foi en Sa Majesté, la Fédération se rendrait indépendante et il y aurait une guerre civile où les fonctionnaires, les troupes et les Africains s’opposeraient aux Européens. Les propositions du secrétaire aux Colonies suscitèrent des émeutes à la suite desquelles 2 500 Noirs furent mis en prison ; les négociations qui suivirent n’en donnèrent pas moins quelques garanties aux Africains, et, en 1964, au prix d’un abandon du projet de Fédération, la Rhodésie du Nord, ou Zambie, devenait indépendante.
Ce que Roy Welenski n’avait pas réalisé à grande échelle, une Fédération, ce fut Ian Smith qui l’osa en Rhodésie du Sud. Héritant des forces armées de la Rhodésie du Nord, il déclara unilatéralement l’indépendance de ce pays, le 11 novembre 1965. Cette UDI (Unilateral Declaration of Independance) provoqua un tollé, que Ian Smith voulut ignorer puisqu’il fit un pas de plus en proclamant la République… Ainsi mis devant le fait accompli, le gouvernement anglais, désormais travailliste depuis que Wilson avait remplacé Macmillan, pensa en appeler à l’ONU, voire intervenir militairement, mais il était clair que l’opinion métropolitaine était hostile à ce que des Britanniques tirent sur des Britanniques — pour défendre les droits des Noirs. C’eût été un nouvel Alger 61, mais anglais et travailliste cette fois. Certes, les Anglais avaient déjà
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