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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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peuvent y exister. Ainsi, en 1954, Pierre MendèsFrance ne savait pas grand-chose de la spécificité de la question algérienne. Trois ans plus tôt, à propos de la Tunisie, Robert Schuman utilisait sans discernement les termes d’autonomie, d’indépendance, de souveraineté… créant un incident avec la Tunisie (sur les réactions des nationalistes, cf. ici et ici ).
    Lorsque, à propos du Maroc, se noue, à Paris et à Rabat, une coalition pour destituer le sultan qu’on juge trop indocile, personne ne connaît les règles qui peuvent permettre de choisir son remplaçant. Les colons n’en contribuent pas moins, et vivement, à l’opération de force qui, avec l’aide du glaoui de Marrakech, se termine par l’exil de Mohammed Ben Youssef. Leur argumentaire est simple : quiconque négocie avec le sultan ou le bey est un traître, et doit être voué aux gémonies, tel le résident général Périllier, à Tunis — « votre politique est dangereuse, lui dit Martinaud-Deplat, elle ne peut qu’affaiblir la France » ; il se complète par une mise en accusation des « forces occultes », étrangères nécessairement, qui soutiennent les nationalistes : le communisme, comme au Vietnam, et la Ligue arabe, « agent des Soviets ». En période de guerre froide, ces arguments font leur office. L’argument inverse — que la situation se détériore à cause des Américains, ou de l’ONU — est également opératoire. Mais, en temps de guerre froide, il met les gouvernements dans l’embarras et délimite les possibilités d’action des colons. De sorte qu’au Maroc et en Tunisie l’action des colons ne saurait être, au plus, qu’un aiguillon. Car les décisions émanent de Paris où le pouvoir est en de bonnes mains, même si celles-ci sont en argile.
    Au Maroc et en Tunisie, le mouvement des colons a ainsi une fonction de retardement, tandis qu’en Algérie se joue un tout-ou-rien — « la valise ou le cercueil », et la mollesse de la République peut être mortelle. Les colons en ont conscience ; il faut agir.
    Tant que, en Algérie, parler des nationalistes était un sujet tabou, le problème n’était pas à l’ordre du jour. Mais, après 1952, les « reculades » ou les échecs de la République en Tunisie et au Maroc, la montée du mouvement national algérien inquiètent les pieds-noirs dont les élus, à Paris,savent bien, surtout après Diên Biên Phu, que les défaites françaises lui donnent des ailes… L’idée mûrit lentement qu’il faut à Paris un gouvernement fort, pas un gouvernement de compromis. Tel est le sens des événements qui, à Alger, mènent au 6 février 1956, puis à mai 1958, où les colons réussissent à s’associer l’armée — et où de Gaulle prend le pouvoir.
    Or, avec la prise de pouvoir du général de Gaulle, ils ont fait une erreur de diagnostic, dont ils ont mis quelque temps à mesurer la gravité, à la suite du « Je vous ai compris ». Leur ressentiment a été à la mesure de ce qu’ils ont jugé être une mystification : et ils ne lui ont jamais pardonné.
    « La différence entre le Vietnam et l’Algérie, disait le général Salan, en 1958, c’est qu’au Vietnam, quand on me tirait dessus, c’étaient les Viets, alors qu’en Algérie ce sont les Français. » Cette repartie situe bien l’hostilité que put rencontrer l’autorité métropolitaine — fût-ce l’armée — quand les colons la soupçonnent de transiger avec la « rébellion », de ne pas se contenter de maintenir l’ordre. Il est vrai qu’on accusait le général Salan d’avoir transmis à L’Express le rapport des généraux qui concluait, avant Diên Biên Phu, qu’on ne pouvait pas gagner la guerre d’Indochine. On lui reprochait aussi de l’avoir « bradée », puis de vouloir « brader » l’Algérie… De fait, il connaît Giap, a admiré ses talents, a compris comment les timides Annamites ont été transfigurés par le nationalisme et le communisme ; il a compris ce qu’était la guerre révolutionnaire, et, en Algérie comme au Vietnam, il s’efforce de « tenir », en « attendant la définition d’une politique nationale, qui ne vient pas ». On l’appelle le Mandarin.
    Or, les colons n’aiment pas ce genre de propos. Ils y voient un signe de faiblesse. Et ils sentent que leur situation se détériore, même s’ils n’imaginent pas qu’elle puisse être menacée. Ils s’obstinent à considérer que si

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