Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
s’intégreraient à la civilisation européenne.
Étrangers dans leur propre pays, les colonisés le furent, certes, mais avec cette différence pourtant que la politique des métropoles varia : tantôt elles exterminèrent les indigènes, tantôt elles les refoulèrent, tantôt elles détruisirent leur genre de vie, leurs institutions, tantôt elles les intégrèrent plus ou moins à leur espace, celui de la République dans le cas français. Mais sur un siècle ou deux, toujours dans le cas français, le dessaisissement fut une réalité, l’intégration un mythe, sauf pour une minorité.
Situations intolérables qui ont constitué le levain des mouvements antieuropéens. Or, d’autres données, qui leursont associées, ont contribué au développement des mouvements visant à l’indépendance.
Nouvelles élites et mouvements populaires
Quelques traits, généraux ou spécifiques, ont prédéterminé les mouvements de libération, orienté leur action.
D’abord, il s’est formé de nouvelles élites, les unes appartenant au mouvement des affaires, des activités économiques liées à la colonisation, en Inde avant tout, où s’est constituée une véritable classe capitaliste entre 1880 et 1930 qui a su pénétrer les milieux internationalement les plus avancés. Ainsi, il en alla de la dynastie des Tata, à Bombay, ou des Birla. Ils subventionnaient le Parti du Congrès, pour l’indépendance, craignant seulement que trop de désordres n’aient des conséquences fâcheuses pour la discipline du travail ; ainsi leur nationalisme n’était pas une simple hostilité aux Européens, et ils ne rejetaient pas l’ordre établi. Ils ne liaient pas l’indépendance et le changement. Il en allait de même pour la bourgeoisie commerçante en Malaisie ou aux Indes néerlandaises qui, avant 1940, comptait sur la puissance impériale pour la protéger de la pénétration des Chinois. Pour une moindre part, on trouvait aussi une bourgeoisie commerçante occidentalisée au Ghana, et dans les possessions françaises, en Tunisie, en Cochinchine.
Mais, ailleurs, avant 1914, les nouvelles élites appartenaient plutôt à des milieux intellectuels ou militants qui avaient pris leurs leçons soit dans les écoles et universités, soit dans les séminaires, ou encore dans les syndicats ou organisations autorisées. Les premiers leaders indépendantistes apparurent aux Philippines, espagnoles puis américaines, tels Osmena et Quezon ; au Vietnam, tel Phan Boi Chau ; en Birmanie, tel U Ba Pe ; Tilak et Gokhale en Inde ; mais aussi au Caire, etc. Ils se multiplièrent ultérieurement, tantôt en Inde autour du Parti du Congrès de Gandhi, du Congrès national à Ceylan, du Destour en Tunisie, etc. ; et, plus tard encore, avec la création despartis communistes, en Indonésie dès 1920, en Chine, au Vietnam, en Inde, etc.
Principaux foyers de révolte aux XX e siècle colonial
Source : Catherine Coquery-Vidrovitch,
Afrique noire , Paris, Payot, 1985, p. 213.
Le partage de l’Afrique noire
Source : Henri Brunschwig, Le Partage de l’Afrique noire ,
Paris, Flammarion, 1971, p. 18.
En Afrique française, ces élites sont particulièrement actives au Sénégal, où la politique d’assimilation avait été mise en place très tôt, de nombreux Africains pouvant être citoyens français depuis la loi Diagne de 1915. Les 4 communes du Sénégal — Saint-Louis, Gorée, Rufisque, Dakar — deviennent la pépinière des Noirs assimilés dont Lamine-Gueye est le prototype, inaugurant un modèle relayé par des hommes tels que Houphouët-Boigny et Apithy. Confondre les élites avec les « assimilés » serait pourtant abusif : la tradition de Cheikh Anta Diop et de Léopold Sédar Senghor est la recherche d’une identité africaine associée à la croyance dans le progrès — celui-ci étant aussi essentiel à l’éveil des mouvements politiques africains. Souvent, l’Église ou les mouvements associatifs les stimulent, l’assimilation se limitant à une évangélisation.
Mais, dans bien des régions d’Afrique noire, l’écart s’accroît entre ces élites, généralement urbanisées, et les masses paysannes dont la révolte puise à des sources souvent antérieures à la colonisation, mais auxquelles s’ajoutent de nouveaux griefs — leur refus peut consister en une insoumission chronique chez les Holli du Bénin, par exemple.
Comme le montre la carte établie par Catherine
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