Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
d’Afrique et 5 de Grande-Bretagne. Mais, à la conférence préparatoire, les Africains avaient été un peu plus nombreux. Un évêque préside, Alexandre Walters, qui ouvre la conférence en disant que, « pour la première fois dans l’Histoire de l’humanité, les Noirs du monde entier se sont réunis pour améliorer le sort de leur race ». Les orateurs font le procès de la politique anglaise dans son Empire, notamment en Afrique du Sud, de la ségrégation qui règne aux États-Unis, salue les grands ancêtres Sharp, Wilberforce ;enfin, on remercie les Quakers pour leur lutte contre l’esclavage qui survit à Zanzibar et dans l’Est africain. Dans un appel « aux nations du monde », W.E.B. Du Bois (1868-1963) prédit que « le racisme sera le problème numéro Un du XX e siècle qui s’ouvre, et que la couleur de la peau ou la texture des cheveux sont en train de devenir le critère des inégalités, du droit aux privilèges ». Une Association panafricaine se crée pour défendre les droits des Noirs : les pays représentés y étaient les États-Unis (W.E.B. Du Bois), Haïti, l’Abyssinie, le Liberia, le Natal, la Sierra Leone, Lagos et la Jamaïque.
Mais Du Bois est bientôt dépassé par Marcus A. Garvey, un Jamaïcain qui vit aux États-Unis et qui rompt avec l’attitude revendicative de l’Association panafricaine. Retournant la position, il valorise la race noire et revendique l’idée de reconstituer un Empire panafricain, héritier des grands royaumes d’avant la colonisation. Il incarne la naissance d’un racisme noir, que Léopold S. Senghor dénomme l’antiracisme de la négritude. Plus que Du Bois, il agite l’Afrique et sent mieux que lui que jamais l’Europe ni les Blancs n’aideront vraiment les Noirs : il voit clairement que, sans violence, l’Afrique n’arrivera à rien…
Du Bois demeurait dans un cadre humaniste, admirant par exemple comme la France décorait le député noir Blaise Diagne de la Légion d’honneur, et rêvant d’une collaboration entre les races. Elle devait cependant être obtenue par des exigences radicales et non par les voies de l’adaptation douce, qui avaient été aux États-Unis celles de B.T. Washington, esclave devenu par son assiduité le directeur d’un institut. A l’extrême opposé, Garvey imaginait une renaissance africaine fondée sur le savoir et la force, comme le Japon en avait donné l’exemple. Mais, au 5 e Congrès panafricain, tenu à Manchester au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce furent les thèses de George Padmore, jugées plus réalistes, qui l’emportèrent, montrant que les différentes visions qui s’opposaient étaient, au moins, toutes solidaires pour revendiquer d’abord pour les Noirs leur indépendance dans le pays où ils vivaient : « Tous ceux que nous appelons communistes sont nationalistes… Il faut d’abord qu’ils soient libres avantde définir le régime de leur choix. » Il critiqua vivement ceux qui regardaient avec bienveillance vers le régime colonial français, expliquant que l’assimilation et l’intégration étaient des mythes — à preuve, la liberté dont jouissaient les Africains sous le drapeau britannique, leur participation au pouvoir, comparée à la répression qui sévissait dans l’Empire français. Sur ce point, Padmore était rejoint par des Noirs caraïbes, tel Frantz Fanon.
Ainsi, le panafricanisme d’avant les indépendances exerce les mêmes fonctions à l’ouest que le Komintern à l’est — Sultan Galiev et Marcus Garvey font le même parcours du communisme à la nation — en attendant la révolution. A la différence du Komintern pourtant, le panafricanisme n’a pas de centre, et il demeure bien plus modeste dans ses activités puisque aucun État ne le prend en charge. Mais son action dispersée, minoritaire, jette aussi des « matières inflammables ». Elles orientent les nationalistes africains, tel Nkrumah, familier de ces débats, et hâtent les voies du self-government puis de l’indépendance d’un grand nombre de pays d’Afrique de l’Ouest et des Caraïbes 2 .
On a dit que le panafricanisme avait été, pour l’essentiel, un mouvement anglophone. Dans sa phase ultime, pourtant, un certain nombre de francophones en ont fait partie. Iba Der Thiam note qu’en Afrique de l’Ouest, et au Sénégal en particulier, l’histoire de la revendication d’indépendance est passée par plusieurs phases. Celle de la
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