Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
une République démocratique…
En vérité, Bourguiba en Tunisie, Gandhi en Inde avaient fait le même choix tactique, respectivement contre Salah Ben Youssef et Chandra Bose — mais, au Vietnam, les Japonais étaient bien là, sur place, promettant l’indépendance, l’ayant reconnue aux Philippines, à la Birmanie ; le risque était plus grand pour le Vietminh, et plus grand l’enjeu d’un gouvernement républicain… L’alliance avec les gaullistes pouvait également sembler irréelle, d’autant que Hô Chi Minh critiquait l’attitude de De Gaulle à Brazzaville — dans des termes, d’ailleurs, qu’en Syrie et au Liban on avait aussi utilisés contre lui (cf. ici et ici ).
9 mars 1945 : ultimatum japonais, coup de tonnerre, inattendu, bien que depuis la chute du gouvernement deVichy, en août 1944, la France soit officiellement en guerre contre le Japon — et plus seulement la France libre. Depuis la difficile bataille des Philippines, Tokyo exige de l’amiral Decoux, toujours en place, que les forces françaises soient mises sous commandement mixte. Devant son refus, les Japonais s’emparent de toutes les garnisons, internent les Français, et, le 11, à l’initiative des Nippons, Bao-Dai, empereur d’Annam, proclame la fin du protectorat des Français et l’indépendance. Les rois du Cambodge et du Laos faisaient de même. La séparation d’avec la France s’était faite doucement, mais la population savait que le sort de Bao-Dai était lié à celui du Japon… Dans ses montagnes, Hô Chi Minh, qui n’a pas reconnu le régime de Bao-Dai, prend langue avec la poignée d’hommes de De Gaulle, que représente Sainteny… A peine la bombe d’Hiroshima a-t-elle explosé qu’Hô Chi Minh lance le mot d’ordre d’insurrection générale… Tandis que le Japon capitule, Bao-Dai abdique « en recommandant à la France de reconnaître l’indépendance du Vietnam… Il y va de son intérêt et de son influence ». Cependant, le 25 août 1945, une grande manifestation consacrait le succès du Vietminh qui, comme s’il sortait de terre, montrait sa force dans les rues de Hanoi, et les autres partis nationalistes s’y rallient, le jugeant mieux placé pour faire reconnaître l’indépendance du pays par les Alliés. Dans le gouvernement provisoire qui se constitue avec de nombreux communistes, Bao-Dai est nommé conseiller suprême. Sont proclamées successivement l’indépendance — une nouvelle fois — et la république démocratique. Le texte se plaçait sous l’égide de l’indépendance américaine et de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Il n’était pas question de communisme, ni de l’URSS, pas même citée. Mais le Parti communiste prenait à lui seul la direction du Front Vietminh…
Or cette indépendance et ce pouvoir — face à la France, bientôt de retour —, il restait à les conquérir.
Le maître d’œuvre de cette première révolution dans la guerre avait été Hô Chi Minh, dont les qualités de négociateur et de tacticien avaient fait merveille. Auparavant, comme le montre son biographe Jean Lacouture, ilavait manifesté les autres attributs de son identité : le paysan, l’émigrant, le militant, l’unificateur, le prisonnier. Il devait être bientôt le maquisard.
Ce qui frappe chez ce patriote révolutionnaire, c’est la distinction absolue qu’il opère très tôt entre les Français et leur colonisation. Pas de mots assez durs pour celle-ci et ses abus, pas d’expression assez reconnaissante pour ceux-là et les valeurs qu’ils incarnent. L’anecdote veut que, débarquant à Marseille et s’étant fait vouvoyer, il ait immédiatement fait la différence entre la France qui libère et celle qui opprime. Il a donc des amis français, parle français, milite dans des organisations françaises ; et, à Hanoi, le jour de l’indépendance proclamée, en septembre 1945, il s’adresse en français aux Vietnamiens, et aux Français aussi, pour dire son amitié, sa confiance envers la France de la Révolution et de la Commune de Paris. L’enregistrement, en direct, a été conservé.
Selon Dang Xuan Khu (Truong Chinh), la décision du 13 août 1945, l’insurrection générale, fut prise au congrès de Tan Thao pour désarmer les Japonais avant l’arrivée des Alliés et les mettre ainsi devant un fait accompli « méritoire ». Dans ce contexte, la France comptait pour peu ; pour moins encore que ne
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