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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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de l’impérialisme britannique sur notre sol en permettant le resserrement de l’étreinte administrative et la conquête de nouveaux marchés pour les produits de l’industrie anglaise. Cependant, malgré toute ma rancœur pour la présence et la conduite des maîtres étrangers, je n’avais nul ressentiment à l’égard des Anglais comme individus. Au fond de moi-même, j’admirais plutôt cette race. » D’autres propos corroborent ce jugement et vont plus outre : « Entièrement loyaux envers Sa Majesté britannique, nous ne noussentions pas dignes de dénouer la courroie de ses souliers. »
    On chercherait en vain, chez un Annamite ou un Arabe, propos similaires à l’endroit des Français aux colonies… Cela n’exclut pas une détermination aussi forte, un œil critique et, à son tour  2 , légèrement condescendant sur l’Anglais, « qui d’ordinaire rencontre toujours le même petit clan d’Indiens, ceux qui avaient à voir avec le monde officiel… Cette classe suait singulièrement l’ennui et l’étroitesse d’esprit. Même un jeune Anglais intelligent, venant chez nous, ne tardait pas à succomber à une sorte de torpeur intellectuelle et culturelle. Au sortir de sa journée de bureau, il prenait un peu d’exercice, puis allait retrouver ses collègues au Club, boire des whiskies et lire des illustrés de son pays… De cette détérioration progressive de l’esprit, c’est l’Inde qu’il rendait responsable… alors que la cause de ce déclin, en lui, n’était que la conséquence de sa vie de bureaucrate » (Nehru).
    Troisième caractéristique du mouvement national indien tel que l’incarnent Tilak, Gandhi, Nehru — l’effet « pervers » de l’intérêt que les Anglais eurent pour le passé et la société de l’Inde. En en reconstruisant les traits les plus anciens, quitte à figer la description du système des castes — pour mieux maîtriser la gestion de la société —, les Anglais ressuscitaient un passé et une histoire purement hindoue, ce qui flattait l’amour-propre mais avait pour effet d’effacer le passé musulman. Tilak comprit immédiatement le parti que les hindous pouvaient tirer de la situation en créant des « Sociétés pour la protection de la vache », en glorifiant Shivahi, ce roi des Marathes qui triompha d’Afzal Khan en l’étranglant avec des dés d’acier puis en assaillant l’armée du Grand Mogol, etc. Sous couvert de vénération envers ce passé, envers sa culture, Tilak revivifiait l’Inde hindoue, pas celle qui était devenue une partie de l’Islam. De même Gandhi, plus tard, fit appel à des pratiques de non-violence qu’il présentait comme des moyens de combattre l’occupant, le Britannique ; mais cesmoyens puisaient aussi dans la tradition hindoue, pas indienne.
    Ainsi, grâce aux Anglais, les musulmans avaient été précipités de leur position de pouvoir, d’abord en perdant leur position de suzeraineté, de souveraineté ; ensuite, en se voyant destitués de toute prééminence par cette revalorisation de la tradition ; enfin, parce que seuls les hindous participaient au grand mouvement des affaires et constituaient cette bourgeoisie capitaliste, dont la richesse, jusque-là précaire, devenait une véritable force économique et politique. Naturellement, les hindous ne pouvaient le crier sur les toits. Mais c’était visible parce que les prêtres s’appropriaient l’autorité dont jouissait auparavant l’État, et que se différenciaient de plus en plus les deux communautés. Cela révélait que, sous le couvert d’indépendance, les grands leaders cherchaient à rendre aux hindous leur statut dominant au travers d’un ralliement, apparemment innocent, aux méthodes démocratiques pratiquées par les Anglais, qui, étant donné la supériorité numérique des hindous en Inde, assurerait dans une Inde unifiée la suprématie aux non-musulmans. Avec l’indépendance, la minorité qui dominait naguère se verrait attribuer inéluctablement un statut subalterne, même si les dirigeants du Parti de l’indépendance prenaient toutes leurs précautions pour aider les musulmans à sauver la face, notamment en acceptant le principe de collèges électoraux séparés. On comprend que les Anglais, après s’être appuyés sur les hindous pour briser l’ex-État mogol, s’appuyèrent ultérieurement sur les musulmans pour freiner la marche de l’Inde vers l’indépendance. On comprend également

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