Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
que le leitmotiv de l’« unité de l’Inde » ait eu cette fonction politique, au service de la majorité hindoue.
« Un collège musulman vaut quatre corps d’armée », avait déclaré un haut fonctionnaire anglais, en 1883, lorsque se préparait la réunion d’un Congrès national indien, pour 1885. L’Empire des Indes était devenu un bien de la Couronne depuis que la révolte des Cipayes avait éclaté, due autant à l’avidité des agents de la Compagnie des Indes qu’à la ruine de l’artisanat, à l’exclusion des Indiens de la direction de leurs affaires, à l’appauvrissement d’une partie de la population, autant de barils de poudre qui avaient trouvé un détonateur dans l’affaire des cartouches ; celle-ci était le signe de l’ignorance méprisante dans laquelle les officiers tenaient les Indiens, puisqu’ils ne voulaient pas savoir qu’ils exigeaient d’eux de violer un interdit, ces cartouches étant enduites de graisse de porc et devant être déchirées avec les dents.
Prenant la leçon du soulèvement des Cipayes, la réforme de 1858 donna le pouvoir à un secrétaire d’État pour l’Inde, qui dicte sa volonté au vice-roi. La reine Victoria fut proclamée impératrice des Indes à la place du Grand Mogol (1876), mais toute une partie de l’Inde, dite Inde des Princes, ne relevait plus de la Couronne. Ultérieurement, la restitution du Mysore à sa dynastie, après un demi-siècle d’administration anglaise, fut un signe des nouvelles dispositions de Londres à l’égard des princes. Simultanément, les Anglais permettaient à des Indiens d’entrer dans des conseils législatifs sans passer par le concours de l’ Indian Civil Service qui avait lieu en Angleterre. Les réformes Morley-Pinto de 1909 permirent ensuite à des corps constitués ou à des catégories de citoyens — les musulmans, les Parsis, les Sikhs, etc. — de participer aux différents corps législatifs institués à Calcutta, Bombay, etc. L’embryon d’un régime parlementaire était ainsi créé, tandis que des conseils régionaux ouvraient la voie à un début de décentralisation. Globalement, les Britanniques renforçaient politiquement les hauts niveaux du corps social, s’inquiétaient surtout, en ce qui concerne les paysans, de leur endettement dont ils essayaient de prévenir l’aggravation.
C’est par cette voie étroite que s’engouffre le mouvement national indien, tandis que parallèlement se créait le mouvement swaraj (autonomie), qui allait donner naissance au Parti du Congrès. Celui-ci ne comprit des élus paysans qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Ceux qui le constituèrent furent d’abord les magnats qui, pour résister à l’intrusion croissante du gouvernement colonial dans les affaires locales, soutinrent l’agitation lancée par l’intelligentsia de Calcutta et de Bombay en faveur d’un régime plus représentatif. L’intégration de ces magnats locaux dans un système provincial, puis national,aboutit à une unification des perspectives de combat, qui déboucha, en 1917, sur une confrontation globale entre les autorités coloniales et le mouvement nationaliste. Le rapport entre ces notables petits ou grands, et les politiciens ou publicistes professionnels qui apparaissent au tournant du siècle dévoile une relation de dépendance, le politicien étant au service des premiers qui ne veulent pas s’occuper de politique. Ainsi, les nationalistes ne constituent pas une formation autonome ; ils sont les simples porte-parole des groupes dominants. L’exemple emblématique en est la relation de type patron-client qui unit à Allahabad le pandit Malaviya, un des principaux politiciens du Congrès de l’Inde du Nord, à la famille du plus grand banquier de la ville, Ram Charan Das. Dans cette ville, c’est la création par les Anglais d’électorats séparés pour les musulmans qui a fait de l’opposition hindous-musulmans, peu évidente jusqu’alors, un facteur important de la vie politique locale, et qui est à l’origine du « communalisme » (lutte entre les communautés).
A mesure que, à partir de 1930, le repli stratégique anglais s’est peu à peu ordonnancé, le Congrès a joué une place de plus en plus grande ; il s’est adapté à une nouvelle conjoncture et a progressivement abandonné l’agitation de masse pour se convertir à l’électoralisme et au parlementarisme, devenant un parti de gouvernement, partiellement
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