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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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manqué de contacts aux États-Unis avant de mettre sur pied leur putsch contre le roi Farouk, identifié à l’Angleterre. Pourtant, lorsque Foster Dulles évoque la nécessité pour le « monde libre » de s’unir face à l’URSS, Nasser lui répond que, « pour lui, solidarité du monde libre signifie impérialisme et domination ». Il n’adhérera éventuellement au MEDO « qu’une fois que les Anglais seront partis » (Heikal, H., Les Documents du Caire , Paris, 1973, p. 943).
    Le test, pour les Américains, était l’adhésion au MEDO ; le test, pour Nasser, était la livraison d’armes — pour chasser les Anglais, ou faire la guerre à Israël. Foster Dulles hésitait à livrer des armes, Nasser passa commande aux Soviétiques, via les Chinois. Pour ne pas provoquer les Américains, les Russes firent passer la commande au nom de la Tchécoslovaquie.
    L’ère des surenchères avait commencé.
    « Ils leur donnent des armes, nous leur offrirons la prospérité. » Cette réaction de Foster Dulles concernait le projet dont Nasser rêvait, aboutir à faire construire le grand barrage d’Assouan. Le coût était gigantesque — unmilliard de dollars —, la Banque mondiale avançait 200 millions en devises fortes, l’Angleterre et les États-Unis, 70 millions chacun — on était encore loin du compte même si la BIRD accroissait sa participation. Or, les conditions de la Banque mondiale impliquaient une sorte de contrôle sur les dépenses de l’État égyptien qui rappelait fâcheusement l’époque des années 1880 où, à la suite de son endettement, l’Égypte s’était peu à peu vassalisée aux Français et aux Anglais, puis aux Anglais tout seuls. Malgré les efforts de bonne volonté du directeur de la BIRD, Eugène Black, Nasser refusa ces conditions ; plus, il renouvela sa démarche des années précédentes et demanda l’aide de l’URSS ; simultanément, il multipliait les gestes « inamicaux » vis-à-vis des États-Unis : reconnaissance de la Chine communiste, accord militaire avec la Syrie. Ayant calculé qu’une crise avec l’Égypte serait sans conséquences graves sur le ravitaillement en pétrole du monde occidental, tarabusté par le lobby chinois proche de Tchang Kaï-chek et le lobby juif favorable à Israël, attentif aussi à ne pas choquer le reste du monde arabe, tout en gardant la confiance des Anglais qui jugeaient abusives les concessions de la BIRD, Foster Dulles décida d’annuler le prêt (19 juillet 1956), en l’expliquant par la non-fiabilité des éventuels débiteurs égyptiens. Ce fut cette façon « insultante » qui surprit Nasser plus que le refus lui-même auquel il s’attendait, et qui fut suivi de celui des Anglais.
    A cette humiliation Nasser répondit, deux jours plus tard, en annonçant que, pour financer le barrage d’Assouan, il nationalisait la Compagnie du Canal de Suez. Suez paierait Assouan.
    Plus que les Américains, ce coup visait l’Angleterre ; mais Nasser n’imaginait pas que la France s’identifiait aussi à Suez, et que, pour l’aide qu’il apportait au FLN, cette nationalisation tonitruante donnait au gouvernement de Guy Mollet un prétexte inespéré pour intervenir. Le discours annonçant la nationalisation avait, en effet, une tonalité provocatrice : « J’ai commencé à trouver en Eugène Black un autre Ferdinand de Lesseps, et ma mémoire me reporta en ce temps-là où l’Égypte, avec 11 % des actions, s’engageait à donner 120 000 ouvriers, poureffectuer des travaux qui nous ont coûté 8 millions de livres… La Société égyptienne créée alors pour l’intérêt de l’Égypte a rapporté 100 millions de dollars à l’Angleterre, desquels il nous en revient 3 millions… Nous reprendrons nos droits, car le canal est la propriété de l’Égypte… » Et Nasser termina son discours, ovationné par la foule, avec un immense éclat de rire ( L’Économiste égyptien du 29-7-1956).
    Cet éclat de rire, La Voix des Arabes , un équipement fourni par la CIA, le transmit jusqu’au Maghreb, elle le transmit à Paris et à Londres où il suscita la colère.
    L’Angleterre de Eden ne se résignait pas à être devenue le brillant second des États-Unis. La décomposition de l’Empire n’en était pas moins patente, et l’évacuation de l’Égypte, commencée en 1947, était le symbole même de ce déclin.
    Les Anglais considéraient qu’ils avaient « défendu » deux fois

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