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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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Il m’interrogea sur l’entraînement militaire des Algériens, sur l’envoi d’Égyptiens en Algérie. Je lui répondis qu’il n’y avait pas d’Égyptiens combattant avec les Algériens… qu’il n’y avait pas d’Algériens s’entraînant à ce moment-là » (mars 1956).
    Quelques jours plus tard, cet entraînement ayant repris, les services secrets français s’offrent le plaisir de rendre l’information publique, et Pineau ridicule — ce qu’il ne pardonna pas à Nasser. En outre, au moment où Robert Lacoste, qui a succédé à Soustelle, annonce l’arrivée de 100 000 hommes en Algérie et le « dernier quart d’heure » des « rebelles », La Voix des Arabes diffuse ces informations qui font de Nasser le défenseur de la cause algérienne. Leur écho a une portée démesurée à une date où la majorité des musulmans d’Algérie manque encore d’assurance, où les valeurs de l’intégration fascinent un grand nombre, où quelquefois on ignore jusqu’aux objectifs du FLN. La greffe de la lutte du FLN sur la cause islamo-arabe agit comme un levain, comme un levier, qui soulève les masses d’un élan infini. La rumeur d’un débarquement égyptien à Collo, en août 1955, avait révélé ce passage au mythe. Les Arabes y avaient cru, mais Soustelle aussi, qui, à Philippeville, avait pris les chantres de l’indépendance pour des propagandistes égyptiens.
    Couper le cordon ombilical avec le monde arabe et islamique, tel est l’objectif des dirigeants français qui veulent croire que, Nasser abattu, l’insurrection sera rapidement réduite. En juillet 1956, la nationalisation de Suez, « œuvre française », inaugurée par l’impératrice Eugénie, liée au nom de Ferdinand de Lesseps, quel nouvel affront ! « Un défi », titra Le Monde , « Tel Hitler il a agi, tel Hitleril périra », juge aussi Le Quotidien , qui ajoute : « Il faut réoccuper le canal. »
    C’est que, pour accomplir cette tâche, les Français comptaient sur Israël.
    Certes, Nasser ne s’y attendait pas. Il l’a écrit lui-même après coup, car, après son alliance avec la Syrie et la Jordanie, et surtout depuis le départ des Anglais, il ne mesurait pas à quel degré avait pu monter, en Israël, la crainte d’un encerclement, d’une agression venue du sud que ne freinerait plus la présence des forces britanniques. Et puis Nasser jugeait que jamais ces Anglais n’accepteraient l’aide d’Israël, ce serait pour eux la manière la plus sûre de s’aliéner le monde arabe. Effectivement, les Anglais ne voulaient pas de l’alliance israélienne — au moment de la guerre qui va suivre, ils ont même proposé de bombarder Tel-Aviv, pour que, par une sorte de leurre, soit cachée leur collusion avec Jérusalem, ce qu’Israël a refusé. Mais Londres a dû accepter cette alliance sous la pression de la France qui, ayant fourni des armes à Israël pour compenser les livraisons faites à Nasser par les « Tchèques », jugea que, face à l’ennemi commun, Israël pourrait servir d’allié de revers, et en fit une condition de son intervention aux côtés des Anglais.
    « Sans l’intervention de la France et la caution de l’Angleterre, la guerre du Sinaï n’aurait sans doute pas éclaté », témoigne Shimon Pérès, négociateur des livraisons d’armes et bientôt des conventions de Sèvres, conclues avec Bourgès-Maunoury, Pineau, Eden et Selwyn Lloyd (octobre 1956).
    Derrière ces accords, se profilait l’ombre de Munich.
    En effet, à Paris, nombreux étaient ceux qui jugeaient que Nasser était à l’origine des difficultés de la France en Algérie, alors que pour d’autres il n’était qu’un pion dans le jeu soviétique, ou, pour d’autres encore, ce nouvel Hitler dont il fallait briser dans l’œuf la capacité expansionniste. Après toutes ces capitulations — en Indochine, en Tunisie, au Maroc —, comme naguère lors de l’Anschluss, de la remilitarisation de la Rhénanie, etc., il ne fallait pas céder, comme avant 1939. Selon cette figure, face à Hitler, Israël jouait le rôle de la petite Tchécoslovaquie. Eden ne pensaitpas autrement, qui, depuis vingt ans, avait été travaillé par le complexe de la Rhénanie et voyait maintenant la main de Nasser partout, du renvoi de Glubb Pacha en Jordanie (ce qui était vrai) à la révolte des Mau-Mau au Kenya (ce qui ne l’était pas).
    Et puis Nasser touchait la Grande-Bretagne à son point

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