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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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anglais n’imaginait pas qu’on pût avoir un autre projet politique que de se rallier à l’Ouest, ou à l’Est ; ensuite, il jugeait que le cœur du monde arabe se trouvait en Irak, pas en Égypte, et il comptait plutôt sur Bagdad pour le réunifier à son avantage. Il ne voulait pas voir non plus que demander à l’Égypte d’imiter la Turquie ou l’Iran — qui avaient adhéré au pacte — constituait un affront pour un pays qui s’était libéré des Turcs et considérait les Persans comme des rivaux du monde arabe.
    Voilà en quoi le pacte de Bagdad « divisait » le monde arabe : d’un côté, l’Irak, lié aux ennemis, ou rivaux turcs et persans, qui trahissait ; de l’autre, l’Égypte, associée aux pays vraiment arabes, la Syrie, le Yémen, et sans l’intervention d’une puissance étrangère. Pour aboutir, l’Égypte avait dû se libérer des dirigeants collaborateurs — avec les Anglais —, en renversant Farouk et le WAFD, ce que n’avait pas su faire Noury Saïd, à Bagdad ; et pas plus le roi de Jordanie flanqué de son chef des armées Glubb Pacha, un Anglais arabisé. Seul Ibn Séoud d’Arabie, avec ses pétroles et son contrôle sur les Lieux saints, pouvait incarner aussi le monde arabe. Mais Nasser et ses officiers libres incarnaient un monde arabe nouveau, pas celui du burnous et de la féodalité, mais celui de la petite bourgeoisie intellectuelle ou militaire : le nouveau contre l’ancien, ce qui explique l’attraction que la révolution nassérienne exerçait sur la petite bourgeoisie syrienne ou irakienne, et qu’a bien exprimée le film Les Murs . De sorte que, devantla popularité montante de Nasser que grandissait tout affront occidental, le roi Hussein de Jordanie refusa d’adhérer au pacte que Bagdad venait de conclure avec Ankara. Simultanément, le Yémen signait un pacte d’assistance avec l’Égypte : décidément, pour les Anglais, Nasser était bien l’ennemi numéro un. Le sachant, celui-ci se prépara à des représailles à cette nationalisation du canal de Suez : il s’attendait à une participation de la France, mais la surprise fut pour lui l’intervention d’Israël.
    Dans son Bloc-Notes , François Mauriac écrivait : « Lorsque le dernier soldat anglais a quitté la zone de Suez, il s’est trouvé des Français pour se dire avec satisfaction : “Hé, hé, les Anglais, eux aussi.” Comme il se trouve des Anglais au Colonial Office pour se frotter les mains en lisant les nouvelles d’Algérie… Mais le départ du dernier Anglais de Suez est une grande défaite pour la France… […] et tous les coups que nous recevons en Afrique du Nord, les Anglais les reçoivent eux aussi. »
    Vingt-cinq ans plus tard, François Mitterrand s’est-il souvenu de ce jugement de Mauriac quand, le premier, il a manifesté sa solidarité avec la Grande-Bretagne lors de la crise des Malouines ?
    Quoi qu’il en soit, en 1956, François Mauriac voyait juste, et la mission de Christian Pineau, quand il rendit visite à Nehru puis à Nasser, était bien de faire la nique aux Anglais en disant de bonnes paroles à la Syrie, que menace l’Irak de Noury Saïd, et d’obtenir les bons offices de Nasser dans l’affaire algérienne, mais dans un contexte amical. « A vrai dire, je n’avais pas établi de lien étroit entre la politique à mener dans les pays arabes et la question algérienne », reconnut Christian Pineau, vingt ans plus tard. Il était aussi ignorant qu’Eden de la reconnaissance islamo-arabe et continuait à raisonner dans la relation Ouest-Est, voire dans l’ancien cadre colonial. Certes, on savait bien à Paris, depuis les découvertes de Soustelle dans les Nemencha, que Nasser avait des liens avec les « rebelles », mais cela paraissait normal… et Pineau accepta « la parole d’honneur de Nasser, l’assurant qu’il n’entretenait pas les cadres du FLN sur son territoire » ; il en fit état au Parlement.
    Le témoignage de Nasser est intéressant parce qu’il montre que Pineau, pas plus qu’Eden, ne sut l’entendre : « Il essaya d’atteindre, avec moi, à un règlement de l’affaire algérienne. Mais je lui répondis que je n’étais pas responsable de la révolution algérienne… Seuls les Algériens en étaient à l’origine, elle vient du dedans. Je ne lui ai pas promis de ne pas aider les Algériens ; je lui ai dit : “C’est de notre responsabilité d’aider nos frères arabes partout.”

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