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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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sensible, un tiers de ses navires passant par le canal. Le pétrole pourrait venir à manquer. Eden ne voulait pas, comme Churchill, que l’Angleterre devienne « une nouvelle Hollande ». Malgré les risques d’une intervention, surtout soutenue par Israël, il interviendrait.
    Une action militaire est aussitôt envisagée. Toutefois, elle paraissait impossible dans l’immédiat, car l’Angleterre, toute à son armement nucléaire ou à ses forces spécialisées pour ses colonies, ne disposait pas d’un corps ad hoc pour ce type d’éventualité ; la France non plus, embourbée en Afrique du Nord. Le souvenir cruel du parachutage raté d’Arnhem, en septembre 1944, inhibait les initiatives. Alors qu’en Grande-Bretagne Eden était paralysé par les réserves des travaillistes, qui ne voulaient agir que sous le couvert de l’ONU, en France au contraire, sauf chez les communistes et dans les milieux qui gravitaient autour de Mendès France, on pousse à l’action ; le tout, pour un gouvernement socialiste, est de réussir à dissocier les intérêts du pays de ceux des actionnaires de Suez pour disposer d’un bon prétexte et frapper Nasser à la tête. Le même Robert Lacoste qui déclarait qu’en Algérie le combat victorieux contre les fellaghas en était à « son dernier quart d’heure » disait également « que la guerre serait sans issue en Algérie si Nasser devait l’emporter dans cette crise qu’il a lui-même ouverte ».
    Cette humeur dura peu car, contre toute attenté, Eisenhower fit savoir à Eden, et Foster Dulles à Pineau, qu’il fallait trouver d’autres voies pour faire rentrer Nasser dans le rang — et que les États-Unis s’en chargeaient. Ils voulaient réduire l’affaire au simple problème du libre passage des navires, dissociant la nationalisation de son contexte et jugeant que Nasser « avait le droit de nationaliser la société ». Simultanément, alors que les Français et les Anglais rappelaient leurs pilotes — pour montrerl’incapacité des Égyptiens à faire circuler tout seuls les navires du canal —, Foster Dulles créait une « Association des usagers du Canal », ce qui les dessaisissait de leur capacité d’agir, puisqu’elle promettait de ne pas agir par la force…
    Nasser commençait à s’interroger sur le sens de l’attitude américaine ; Foster Dulles la rendit claire en expliquant « qu’il refusait d’identifier la politique de son pays à la défense des intérêts des anciennes puissances ».
    Pour Londres, cet affront rappelait les propos tenus par Roosevelt lors des troubles de l’Inde, en 1942, et de l’arrestation de Gandhi. Et cela amena le gouvernement britannique à imaginer l’inimaginable : la collaboration avec Israël, que depuis longtemps Paris avait ménagée : dans le secret furent ainsi conclues les conventions de Sèvres.
    Décision grave, pour Israël ; mais « une telle opportunité ne se produirait plus ». L’idée était de laisser Israël attaquer l’Égypte, puis d’intervenir pour sauver la paix. Ainsi, aux yeux des Arabes, les Occidentaux ne se seraient pas « souillés » en collaborant avec Israël. Ben Gourion et Shimon Pérès acceptaient cette proposition humiliante parce que cela « assurait la sécurité d’Israël » ; quant à la France et à l’Angleterre, « elles retrouveraient leur influence en Orient ». L’idée était de gagner la guerre sans la faire, en laissant l’initiative aux Israéliens, la lourde armada des Franco-Anglais n’ayant qu’à s’approprier la tâche.
    Le 29 octobre 1956, comme prévu, les troupes israéliennes envahissaient le Sinaï, surprenant les Égyptiens bientôt en débandade. Comme prévu, les chars de Dayan s’arrêtèrent à Akaba. Comme prévu, la couverture aérienne anglaise se mit en place, et l’aide française à pied d’œuvre. Un double ultimatum fut alors envoyé, et Israël obtempéra. Ce qui n’avait pas été prévu, c’est que Nasser pourrait jouer les martyrs, attaqué par Israël, car devant le monde arabe les Anglo-Français ne voulaient pas avoir l’air solidaires de l’État juif et leur débarquement n’était prévu que pour le 6 novembre : ce délai fut fatal, car tout l’appareil de l’ONU se mit en place, ameuté par les Étatsarabes, et Foster Dulles fit passer une résolution contre cette intervention. Le 5, Boulganine à son tour envoyait une « Note » comminatoire à Guy Mollet, à

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