Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
ayant fondé Mahé et Karikalen 1723 et 1739. Elle était sous le contrôle du frère du ministre Philibert Orry, à la façon dont la Compagnie anglaise dépendait de Sir Robert Walpole. Mais bientôt les agents de ces Compagnies, sur place, menèrent une politique plus active, et qui dépassa le cadre du négoce. Ce furent les Français qui donnèrent le coup d’envoi.
Alors que Lenoir, le fondateur de Mahé, qui avait réussi à sauver les comptes de la Compagnie à l’époque de la banqueroute de Law, avait été un administrateur, un commerçant avisé, son successeur, Dumas, n’eut plus avec les Indiens le comportement d’un marchand, mais celui d’un colonial, il traita avec les nababs, interféra dans leurs conflits, ayant sauvé, par exemple, la fille et la femme de Dost Ali, un prince que menaçaient les Marathes. Il fut ainsi l’initiateur d’une action purement politique qui échappa à la Compagnie et sollicita l’appui des ministres. Il en alla de même avec son successeur, Dupleix : ce fut leur politique qui suscita la riposte de la Compagnie anglaise. L’idée de Dumas, de 1735 à 1741, avait été d’organiser une milice indigène, les Cipayes, de l’encadrer de Français et de transformer les comptoirs en citadelles tout en mettant ses troupes au service des princes alliés. Il devint ainsi puissant, se fit décerner le titre de nabab. Dupleix fit un pas de plus : il pensait que si la Compagnie, au lieu de se contenter du commerce et de l’occupation militaire d’une ou de plusieurs places, prenait sous sa protection des princes, ceux-ci lui concéderaient en échange, soit des terres à exploiter, soit le revenu des impôts.
En un sens, il fut l’ inventeur d’une conception du protectorat qui allait être reprise en Égypte, un siècle plus tard, et au Maroc.
Sur la côte des Circars (Yanaon, Masulipatnam) et de Coromandel (Pondichéry, Karikal), il se fit l’allié du nabab de Carnatic, et quand les Anglais, décidément inquiets de cet expansionnisme, mirent le siège devant Pondichéry, le nabab de Carnatic lui sauva la mise. Un an plus tard, Mahé de La Bourdonnais, qui avait fait de l’île de France et de Bourbon la grande base navale sur la route des Indes, vint mettre le siège devant Madras et s’en empara ; mais au lieu de la remettre au nabab de Carnatic, il restitua la ville auxAnglais, moyennant rançon. Dupleix cassa la capitulation et fit enfermer La Bourdonnais à la Bastille. Attaqué par l’amiral Boscawen, Dupleix réussit à faire lever le siège de Pondichéry, mais, à la paix d’Aix-la-Chapelle, il dut rendre Madras aux Anglais.
Pourtant, par princes indiens interposés, il entre à nouveau dans le jeu des querelles successorales au Carnatic et au Dekkan, les Anglais faisant de même ; mais l’Anglais Clive réussit à l’emporter sur les condottieri successifs de Dupleix. Certes, il contrôle de vastes territoires, mais ses conquêtes sont coûteuses et, à Paris comme à Londres, les Compagnies cherchent un compromis. Le commissaire Godeheu conclut à l’imprudence de Dupleix, qui est rappelé (1754). Le traité qui porte son nom sonne le glas de la politique conquérante.
La guerre reprend pourtant, suscitée par le nabab du Bengale, Suraj-ud-Daula, qui attaque Calcutta, la fait capituler et confine 146 Anglais dans un local sans air, le « trou noir », où les deux tiers meurent asphyxiés (1756). Avec 900 Européens et 1 900 Cipayes, Clive reprend Calcutta et Chandernagor, et triomphe de Suraj-ud-Daula, à la bataille de Plassey (1757). Ayant repoussé l’armée du Grand Mogol venu à la rescousse, il fait passer le Bengale, le Bihar et l’Orissa sous le protectorat de sa Compagnie. De là date l’installation des Anglais en Inde.
Les Français Lally-Tollendal et Bussy essaient de reprendre pied en Inde, mais leur tentative est un échec, et de l’Inde, au traité de Paris, il ne reste à la France que les 5 comptoirs — qu’elle avait, au reste, perdus militairement —, ce qui apparaît comme une réussite diplomatique de Choiseul…
La défaite des Français était venue du fait que Dupleix, ayant agi dans le dos de sa Compagnie, avait été obligé de ne demander qu’une aide limitée, de « bluffer » pour faire valoir ses succès. Certes, ils étaient réels puisqu’il avait exercé un véritable protectorat sur le Carnatic et que le Dekkan était devenu une zone d’influence française. Jusqu’en 1750, les
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