Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
Canada : on reviendra sur ce choix.
Le physiocrate Bourlamaque analysant, en son temps, les causes de cette défaite française y vit « une mauvaise organisation des pouvoirs, entre le Gouverneur, l’Intendant, le Commandant des troupes, mais aussi le rejet de la tolérance en faveur des protestants, l’absence d’une politique d’immigration en faveur des étrangers, les excès d’une politique d’expansion conduite par les ordres religieux, l’absence de politique indigène — et, bien sûr, l’aveuglement de la métropole ».
Avec le recul de l’histoire, on juge que 1763 marque la fin de l’Empire colonial français première manière. Mais le regard des contemporains était différent : d’abord, la France gardait les Antilles, ce qui semblait l’essentiel ; ensuite, ses ministres comptaient bien reprendre pied au Canada — Choiseul et Vergennes s’y emploient.
C’est alors que commence la guerre d’indépendance des États-Unis, et le paradoxe est bien que ce sont avec les colons, qui avaient été à l’origine de la défaite française, que Versailles s’allie — pour prendre sa revanche sur l’Angleterre. On comprend que, dans ces conditions, les Français du Canada aient pu vouloir demeurer à l’écart.
Survivances et nouveaux terrains de rivalité
Les rivalités apparues avec la grande découverte de la route des Indes ne prirent pas fin lors des événements d’Amérique, en 1776, ni avec la Révolution, l’Empire et l’indépendance des colonies espagnoles jusqu’en 1821 — mais elles perdirent une partie de leur signification.
L’effondrement du domaine colonial français, avec la perte de l’Inde, du Canada, de Haïti, est le plus spectaculaire ; mais celui du domaine espagnol n’est guère moindre — il ne lui reste que les Philippines, Cuba et quelques mini-territoires. Pourtant, c’est la Grande-Bretagne qui, paradoxalement, a été le plus secouée par les suites du traité de Paris (1763), la Révolution française et l’Empire. Elle sortait victorieuse de toutes ces crises ; néanmoins, avec l’indépendance des États-Unis d’Amérique, elle ne pouvait plus arguer d’une des raisons d’être de son impérialisme naissant — l’existence de colonies anglaises de par le monde, puisque celles-ci venaient de se révolter. Il lui fallait reconsidérer cette politique de peuplement britannique outre-mer qui lui tenait tant à cœur.
Et puis, une autre menace planait sur des colonies d’un deuxième type, celles à fort rapport économique, ces îles à sucre entre autres. Leur profit avait été considérable et, par exemple, côté français, elles n’avaient jamais été tant prospères qu’après la perte du Canada et de l’Inde, entre 1763 et 1789. Or, après 1800, les révoltes des Noirs, l’abolition de l’esclavage et de la traite pouvaient mettre en péril l’avenir de ces possessions. A Paris et à Londres surtout, on s’interroge et on se demande — déjà… — s’il ne serait pas préférable que ces colonies fussent indépendantes, et qu’on commerce avantageusement avec elles.
Dans ce contexte d’après 1815, où seules l’Inde et l’Insulinde rapportent aux Anglais et aux Hollandais des profits croissants, les anciennes rivalités coloniales n’avaient plus de réalité immédiate, mais elles étaient encore vivantes dans les mémoires.
Au reste, quand la France renoue avec une politique conquérante, c’est loin des aires d’extension du vieux rival britannique : en Algérie, en Annam, au Sénégal, et bientôt en Tunisie. Les Anglais, d’ailleurs, se saisissent eux aussi de terres lointaines, Australie, Nouvelle-Zélande, etc., et l’on se heurte dans le Pacifique.
U N GRAND TOURNANT : L ’ É GYPTE OU L ’ A LGÉRIE
Détachée de sa « légende », avec ce que cela signifie de risques courus, de pièges évités, d’irrationnalité, l’expédition de Bonaparte en Égypte figure le passage d’un type d’expansion à un autre. Le Consul se présente avec ses armées en tant que membre de l’Institut, encadré d’une cohorte de savants : 21 mathématiciens, 3 astronomes, 17 ingénieurs, 13 naturalistes, 22 imprimeurs, etc., et, parmi eux, des personnalités aussi illustres que Monge, Geoffroy Saint-Hilaire, Berthollet. Il veut montrer qu’il débarque avec une armée qui incarne la civilisation — il ne s’agit ni d’or ni de Christ . Bonaparte dit, au reste, « qu’il
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