Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
enflammerait la région et surtout l’Irak voisin.
De fait, ce fut l’Irak qui se souleva lorsque, les Germano-Italiens ayant occupé la Grèce, il apparut que l’heure de la libération approchait… Un coup d’État porta au pouvoir Rachid Ali qui, associé au Grand Mufti, ne cachait pas ses sentiments hostiles à la Grande-Bretagne. Celle-ci n’avait jamais su obtenir du gouvernement de Bagdad, même avant le coup d’État, que l’Irak rompît ses relations diplomatiques avec l’Italie. Désormais, l’Allemagne essayait d’intervenir directement, en envoyant avions et conseillers militaires à Alep, aux confins de la Turquie, et avec l’accord de Darlan qui signe alors les protocoles de Paris (mai 1941). Le général Dentz, en Syrie, résiste alorsaux forces du gaulliste Legentilhomme que soutiennent les Anglais. Damas est prise par les Alliés après que Vichy eut répondu par un « baroud d’honneur ». Réciprocité de cette « bonne manière », les Anglais traitèrent avec égard le général Dentz, écartèrent de Gaulle de la négociation de Saint-Jean-d’Acre, substituant ainsi en Syrie la souveraineté anglaise à celle de la France. Il s’ensuivit une quasi-rupture des relations entre Churchill et de Gaulle. En août 1941, de Gaulle obtenait des assurances, dont il prenait acte dans cette lettre au ministre d’État britannique au Caire, Lord Lyttleton : « Je suis heureux de ces assurances que vous m’y donnez concernant le désintéressement de la Grande-Bretagne en Syrie et au Liban et le fait que la Grande-Bretagne y reconnaît la position prééminente privilégiée de la France lorsque ces pays se trouveront indépendants conformément à l’engagement que la France libre a pris à leur égard. »
Au Moyen-Orient, la situation s’était entièrement retournée depuis la victoire d’El-Alamein, qui avait été précédée par la mise au pas des velléités irakiennes, la fin de Rachid Ali et l’exil du Grand Mufti auprès de Hitler. En janvier 1943, le général Catroux, haut-commissaire de la France libre, annonce le rétablissement de l’ordre républicain et des élections en Syrie et au Liban. Les nationalistes triomphent et, à Beyrouth, ils préconisent une modification de la Constitution dont les termes étaient « incompatibles avec l’indépendance ». Le représentant de la France, Yves Helleu, s’y oppose, la Chambre de Beyrouth passe outre et abolit le Mandat français. L’ambassadeur Helleu fait alors arrêter Bechara Khoury et Ryad Solh, respectivement président et chef du gouvernement du Liban.
Aussitôt, un gouvernement « national » libanais se constitue dans la montagne, que le président de la Syrie, Choukri Kwaltly, assure de sa solidarité. Surtout, les Anglais réagissent militairement en soutenant les Arabes. Une fois encore, c’était la crise.
Les Français accusèrent Spears et l’Angleterre — voulant croire qu’ils étaient à l’origine du conflit. Au vrai, Catroux et Massigli, de Gaulle aussi bien, ne voulaient pas admettre que « l’indépendance » était inconciliable avec l’octroi dedroits spécifiques à la France, et inscrits dans une Constitution. Cette sous-évaluation de la revendication arabe, les mêmes hommes allaient à nouveau en faire l’expérience à Tunis, au Maroc, en Algérie — sauf qu’au lieu d’y voir la main de l’Angleterre, qui certes n’avait pas été innocente, ils y virent celles de l’URSS et des États-Unis.
L E J APON , « PEUPLE SUPÉRIEUR », CONTRE L ’ O CCIDENT
Au Japon, l’expansion coloniale a procédé, d’abord, de la simple extension territoriale avec installation de colons, vers le nord, à Hokkaido-Yeso, puis à Karafuto — la partie sud de Sakhaline. Mais, à partir de 1880, ce mouvement a changé d’esprit et un théoricien militaire, Yamagata Aritomo, en a justifié le développement par sa théorie des cercles, chaque sphère à l’intérieur des différents cercles qui entourent le Japon devant être successivement consolidé puis protégé de l’extérieur.
Le changement pouvait venir de la nouvelle orientation du Japon depuis l’ère Meiji, de son détachement de son ancien ordonnancement sinocentrique ; mais, surtout, il s’expliquait par le besoin d’imiter le modèle de développement européen jusque dans sa pratique coloniale. Dominer un empire devenait ainsi une sorte d’impératif qui, au départ, n’a pas obéi
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