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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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en 1913. Il y avait 1 205 classes de ce type en 1930, autrement dit 5,4 % des musulmans étaient scolarisés cent ans après la conquête. Parallèlement, existait un enseignement privé en langue arabe — celui des écoles coraniques et des zaouias , sorte de pensionnats religieux et lieux de repos, qui jouissaient de la bienveillance de l’administration, en tout on en comptait 6 000 qui enseignaient à 100 000 musulmans à chantonner le Coran… En revanche, l’administration considérait avec méfiance les 150 medersas qui assuraient une véritable instruction en arabe à 45 000 enfants. La plupart des maîtres étaient diplômés, en général de la Zitouna de Tunis ; ils enseignaient les mêmes matières que les écoles françaises, mais à partir d’ouvrages venus du Liban ou d’Égypte. En 1947, l’enseignement secondaire était assuré à l’Institut Ben Badis de Constantine, et, pour suivre un enseignement supérieur en arabe, les jeunes Algériens devaient se rendre aux universités de Tunis, du Caire, de Damas et du Koweit, celle-ci étant considérée, vers 1950, comme la plus moderne de toutes. Mais l’administration rechignait à donner à ces jeunes étudiants leur passeport… Et elle rechignait encore plus à subventionner les medersas alors que les mêmes députés d’Algérie votaient en France la loi Barangé d’aide aux écoles libres. De plus, étaient souvent l’objet de poursuites ceux qui enseignaient l’arabe « illégalement », tel le président de la Commission d’enseignement des Ulemas surpris, à El Oued, à écrire en arabe au tableau noir, et condamné à deux ans de prison et sept ans de résidence surveillée…
    Au contraire, le caractère rétrograde des seules zaouias , ou écoles coraniques autorisées, permettait de rendre plus éclatant le rôle colonisateur de la France… On assista ainsi, sur un siècle, et paradoxalement, à un recul de l’instruction, en ce sens qu’en 1847 « l’instruction en arabe était assez générale, au moins en ce qui concerne lire, écrire et compter », alors que, en 1944, 8 sur 9 Arabes étaient illettrés… Ceux qui suivaient un enseignement n’étaientqu’une minorité, et, dans les écoles françaises, si les Arabes étaient nombreux dans l’enseignement primaire, le nombre était très réduit dans l’enseignement secondaire. A Oran, par exemple, qui comptait 119 000 musulmans et 173 000 Européens en 1953, les chiffres étaient les suivants :
     
non musulmans
musulmans
Lycée de garçons
2162
62
Lycée de filles
1136
17
Collège moderne de garçons
1221
160
Collège moderne de filles
1317
43
5 836
282
    C’est l’enseignement de la langue arabe plus que la montée des effectifs qui constituait la revendication essentielle des organisations nationalistes et des partis politiques. Déclaré « langue étrangère » par arrêté du Conseil d’État de 1933 et décret du 8 mars 1938, l’arabe ne jouissait même pas du personnel qui eût pu l’enseigner. Les classes d’arabe recevaient les élèves les moins bien notés, et l’arabe était considéré comme une langue de deuxième rang, après l’anglais, l’allemand et l’espagnol. En 1954 encore, les inspecteurs départementaux de l’enseignement primaire en Algérie écrivaient : « Ni l’arabe dialectal, qui n’a que la valeur du patois, ni l’arabe littéraire, qui est une langue morte, ni l’arabe moderne qui est une langue étrangère ne peuvent constituer une matière obligatoire d’enseignement primaire. »
    Fanny Colonna a dressé un réquisitoire sévère du rôle de l’école française dans l’entreprise coloniale, en Algérie, explicitement. Certes, elle juge que l’école primaire a été à l’origine d’une socialisation de la vie, d’une prise de conscience politique qui a nourri d’idées les élites, et plus particulièrement les instituteurs d’origine arabe ou kabyle, qui bientôt deviennent les Jeunes-Algériens épris d’assimilation, tel Fehrat Abbas. L’école a ainsi formé des émancipés qui sont devenus des émancipateurs… Inversement, il est clair qu’alors qu’elle devait travailler à réduire les inégalités l’école n’a pas permis aux humbles de s’élever ; elle aurait même accentué les inégalités au sein de la société traditionnelle. Elle n’en a pas moins recruté 70 % d’enseignants indigènes dont les parents étaient illettrés, mais il est vrai que leurs élèves

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