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Histoire du Consulat et de l'Empire

Histoire du Consulat et de l'Empire

Titel: Histoire du Consulat et de l'Empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques-Olivier Boudon
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à six reprise dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, notant dans son Journal :
    « C'est ce soir 26 [février 1810] que j'ai vu la beauté elle-même.
    J'ai eu la plus forte sensation de beauté dont je me souvienne : Mlle Mars dans Suzanne de Figaro 14. » Napoléon lui-même est un grand amateur de tragédies classiques qu'il fait jouer notamment à Saint-Cloud et dans lesquelles s'illustre l'acteur Talma. Dans les scènes peignant les fougueuses passions de l'Empire romain, il voit comme un reflet de son époque et de son pouvoir. Mais le goût du public le porte plutôt alors vers le mélodrame, genre dans lequel excelle Pixérécourt, auteur en 1806 du Solitaire de la roche noire, ou encore, en 1810, des Ruines de Babylone. Leur propos, dénué de toute allusion à la situation du moment, leur permet d'échapper à la censure. Ce n'est pas toujours le cas des pièces à caractère historique. Ainsi, la pièce de Raynouard, pourtant député au Corps législatif, intitulée Les États de Blois, est interdite en 1810. Elle mettait en scène l'assassinat du duc de Guise et renvoyait au temps des discordes civiles, des guerres de Religion et de la Ligue, ce que Napoléon ne pouvait tolérer. En 1810 encore, Napoléon s'en prend à l'Opéra : « Désormais, écrit-il à Rémusat, j'entends qu'aucun opéra ne soit donné sans mon ordre », et il rappelle son hostilité aux sujets tirés de l'Écriture sainte, de même qu'à toute représentation allégorique. « Il ne faut donner que des ballets mythologiques et historiques, jamais d'allégorie. » L'Empereur redoute les mises en perspectives et les comparaisons que suscitent de tels sujets. C'est dire combien son attention est grande sur le contenu du répertoire théâtral.
    La littérature n'échappe pas à cette censure. Certes, jusqu'en 1810, aucun texte réglementaire ne codifie le contrôle des livres.
    Napoléon qui a écrit quelques ouvrages dans sa jeunesse se pique d'aimer les lettres et dit vouloir favoriser leur développement :
    « Monsieur Champagny, écrit-il à son ministre de l'Intérieur, la littérature a besoin d'encouragements. Vous en êtes le ministre ; proposez-moi quelques moyens pour donner une secousse à toutes les différentes branches des belles-lettres, qui ont de tout temps illustré la nation. » Il souhaiterait aussi faire du Collège de France une école de littérature. Il est également soucieux du développement de l'histoire. Des efforts sont faits pour favoriser par exemple la publication de grands textes, confiés à la jeune Imprimerie nationale qui édite notamment les rapports des savants revenus d'Égypte. Ces mesures d'encouragement n'empêchent pas les livres d'être soumis à une censure qui refuse encore de dire son nom : « Je le dis encore une fois, écrit Napoléon à Fouché, je ne veux pas de censure, parce que tout libraire répond de l'ouvrage qu'il débite, parce que je ne 255
     
    LA NAISSANCE D'UNE MONARCHIE (1804-1809)
    veux pas être responsable des sottises qu'on peut imprimer, parce que je ne veux pas enfin qu'un commis tyrannise l'esprit et mutile le génie 15. »
    Dans la pratique, les imprimeurs sont invités à fournir au ministre de la Police à Paris, aux préfets en province, deux exemplaires des ouvrages qu'ils publient. Le ministre de la Police peut donc à tout moment interdire la diffusion d'un livre qu'il aurait jugé contraire aux intérêts de l'État. Il peut aussi demander des corrections. Cette politique de censure a priori n'est pas systématique, si bien que la sanction peut intervenir après la parution par une obligation de détruire le livre publié, au grand dam de l'éditeur. Devant cette menace, les imprimeurs en viennent à réclamer une véritable législation sur le livre afin de stabiliser la profession ; ils seront entendus en 1810, au-delà de leurs espérances. Mais pour l'heure, comme y invitait implicitement Napoléon, c'est l'autocensure qui prédomine.
    Sur un total d'environ mille livres publiés par an entre 1800 et 1810, cent soixante ont fait l'objet d'une saisie, à l'image du livre de Sade, Justine, en 1801. Pour les éditeurs, cette saisie après publication représente un fort manque à gagner qui les conduira à souhaiter un véritable statut de la librairie.
    Les écrivains soupçonnés d'intriguer contre le régime sont étroitement surveillés. L'exemple le plus connu est celui de Mme de Staël, que Bonaparte avait contrainte à l'exil en 1803. Depuis

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