Histoire du Consulat et de l'Empire
ont conscience, puisque le 19 mars, ils interrompent les négociations qui avaient repris quelques jours plus tôt à Châtillon. Les deux points de vue sont toujours très éloignés.
Napoléon tente alors sa dernière chance. Il songe à gagner l'est de la France pour rallier les garnisons qui s'y étaient maintenues. Il pourrait ainsi regrouper ses forces, tout en coupant les alliés de leurs arrières. Ce plan échoue, d'abord parce que son armée subit quelques revers, ensuite parce que les alliés décident de changer de stratégie en s'attaquant directement à Paris. Des informations interceptées en provenance de la capitale leur laissent entrevoir le développement d'un état d'esprit hostile à Napoléon. Les alliés songent donc à gagner au plus vite Paris pour disposer de la capitale comme éventuelle monnaie d'échange avec l'Empereur. Le terrain est bien préparé par Talleyrand qui, dans le même temps, est en contact avec les Autrichiens.
2. LE TARDIF RÉVEIL MONARCHIQUE
L'entrée des forces alliées sur le sol français a suscité des convoitises. Les plans se multiplient pour savoir par quel régime remplacer l'Empire. Depuis leur exil, Germaine de Staël et Benjamin Constant avaient déjà songé à mettre sur le trône de France le maréchal Bernadotte. Ce dernier avait fait ses preuves en Suède depuis 1810. Il gardait en outre une certaine popularité dans l'armée. Son passé de jacobin garantissait enfin son attachement aux principes de 1789. Il restait à le convaincre de jouer un rôle décisif en France. Germaine de Staël s'y emploie à partir de 1812. Elle a alors quitté la tutelle 401
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
napoléonienne et gagné Stockholm, se souvenant que son mari avait été l'ambassadeur de la Suède en France dans les années 1780. Elle est en Suède au moment où Napoléon s'enlise dans les plaines russes et pousse alors Bernadotte dans l'alliance contre la France.
Ses deux fils s'engagent dans l'armée suédoise. Elle invite au même moment le général Moreau à quitter son exil américain pour venir s'engager dans les armées coalisées contre Napoléon. Le vainqueur de Hohenlinden et rival de Bonaparte devait trouver la mort près de Dresde en août 1813. Ainsi, de septembre 1812 à mai 1813, Germaine de Staël anime en Suède un parti favorable à Bernadotte, avant de rejoindre Londres. Elle a aussi réussi à gagner à sa cause son ancien amant, Benjamin Constant, qui s'est séparé d'elle avec fracas en 1810, sans toutefois rompre tous les ponts. Constant est également séduit par l'hypothèse Bernadotte. La rencontre entre les deux hommes intervient en octobre 1813, à Hanovre, après que le prince de Suède a engagé ses armées sur le continent. Malgré les efforts de Constant, Bernadotte garde ses distances. Il reçoit en janvier 1814, les premières feuilles du livre de Constant, De l'esprit de conquête et de l'usurpation, véritable charge contre Napoléon dans laquelle le penseur libéral fustige l'arbitraire et le despotisme et loue le modèle de monarchie libérale offert par l'Angleterre. Il laisse aussi une porte ouverte à Bernadotte, à travers l'éloge de Guillaume III, s'emparant du trône anglais après la révolution de 1688 : « Une révolution de ce genre n'a rien de commun avec l'usurpation. Le Prince, élu librement par la nation, est fort à la fois de sa dignité ancienne et de son titre nouveau. Il plaît à l'imagination par les souvenirs qui la captivent, et satisfait la raison par le suffrage national dont il s'appuie 3. » Ces propos visent directement Bernadotte. Ils sont supprimés dans l'édition publiée en France en avril 1814. L'hypothèque Bernadotte est alors levée.
D'autres libéraux songent à appeler en France le duc d'Orléans, alors en exil en Sicile. Il est à Palerme, le 23 avril 1814, lorsqu'il apprend la déchéance de Napoléon. Il présente lui aussi des atouts.
Descendant de la famille des Bourbons, il offre l'avantage de s'être battu pour la jeune République ; il était à Valmy en septembre 1792, à Jemmapes en novembre. Fils aîné de Philippe Egalité, qui a voté la mort de Louis XVI, il ne risque pas de remettre en cause les principaux acquis de la Révolution. Mais souhaite-t-il alors le trône ?
Il devrait pour ce faire accepter d'en déposséder le frère de Louis XVI. Ce dernier apparaît, en 1814, aux yeux des monarchistes, comme le candidat naturel à la succession de
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