Histoire du Consulat et de l'Empire
de Toulouse, préfère s'abstenir d'engager ses forces. La résistance des autorités constituées et la forte présence de la gendarmerie d'élite ont dissuadé les royalistes de s'aventurer dans une manœuvre hasardeuse. Il leur reste dès lors à placer leurs espoirs dans le soutien anglais.
L'entrée en France des forces de Wellington laisse entrevoir la chute prochaine de Napoléon. Les royalistes bien implantés dans le Sud-Ouest espèrent en tirer parti. Il leur faut faire admettre aux Anglais la nécessité de rétablir la monarchie en France, ce qui n'est pas encore acquis. C'est dans ce but que plusieurs émissaires fran
çais, parmi lesquels Ferdinand de Bertier, se rendent auprès du général anglais. Déjà, Wellington a autorisé le duc d'Angoulême à le rejoindre à Saint-Jean-de-Luz en février 1814 et, même s'il lui a enjoint de garder le plus strict anonymat, il le laisse suivre son armée. Neveu de Louis XVI et fils aîné du comte d'Artois dont il a 405
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
partagé l'exil et les plans de restauration, le duc d'Angoulême n'a pas la réputation de son frère, le duc de Berry, ardent défenseur de la cause monarchiste, mais sa seule présence suffit à rassembler les partisans de la monarchie, comme le montre l'affaire de Bordeaux.
Wellington avait accepté que le duc d'Angoulême se joigne au détachement envoyé, sous les ordres du général Beresford, pour prendre le contrôle de Bordeaux et de l'estuaire de la Gironde. Sans se déclarer pour la restauration, Wellington laisse la porte largement ouverte à la monarchie dans les ordres qu'il transmet à son lieutenant : « Si l'on vous demande votre consentement pour proclamer Louis XVIII, pour arborer le drapeau blanc, etc., répondez [ ... ] que là où sont nos troupes, tant que la tranquillité publique ne sera pas troublée, nous n'interviendrons nullement pour empêcher ce parti de faire ce qu'il jugera utile et convenable pour ses intérêts. »
Wellington se contente en la circonstance d'exprimer le point de vue du ministre des Affaires étrangères anglais, mais son souci de ne pas nuire aux intérêts des Bourbons est évident ; il le confirme par la suite. A Bordeaux même, abandonné par les forces de Napoléon, les royalistes se préparent à l'arrivée des Anglais. Les divers groupes royalistes formés dans la ville se sont réunis et ont réussi à convaincre le maire, le baron Lynch, de se prononcer en faveur de la monarchie. De fait, lorsque le détachement anglais se présente aux portes de Bordeaux, le 12 mars 1814, le maire, pourtant nommé par le gouvernement de Napoléon, se rallie à la cause des Bourbons et arbore la cocarde blanche. Il invite ensuite, après quelques hésitations, à remplacer les insignes du pouvoir napoléonien par les emblèmes de la royauté. La foule présente acclame ce ralliement.
Dans une ville où le parti royaliste a toujours été bien implanté, cet élan populaire est aussi la marque d'une volonté de changement, après plusieurs années de crise consécutive au Blocus continental.
Le symbole n'en reste pas moins fort. Une grande ville française a apporté son soutien à la monarchie et ainsi prouvé aux alliés que le retour des Bourbons pouvait être envisagé.
Ce mouvement est d'autant plus important que les autres tentatives menées par les partisans de la royauté, au cours du mois de février, s'étaient soldées par un échec. En même temps que le duc d'Angoulême arrivait à Saint-Jean-de-Luz, son frère, le duc de Berry, débarquait à Jersey, avec l'espoir de soulever la Normandie.
Les souvenirs de Frotté n'y étaient plus guère présents, et le prince dut vite déchanter. Au même moment, le comte d'Artois se présentait dans l'est de la France, espérant que la lassitude de populations harassées par le passage des troupes et les réquisitions multiples les porterait à l'accueillir en sauveur. Lui aussi dut déchanter, car les quelques manifestations royalistes organisées à l'arrivée des troupes étrangères par une poignées de fidèles, tant à Dijon qu'à Troyes, ne purent convaincre les alliés de la force du sentiment royaliste en France. L'est de la France est alors rétif à l'idéal monarchique. De 406
LA CHUTE FINALE
plus, les victoires de Napoléon en février devaient montrer la précarité de la cause des Bourbons. L'Empereur du reste, pour couper court à toute velléité de rébellion, punit de
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